RN88 : Des brebis contre le béton !

Depuis la relance par le président du conseil régional Auvergne-Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez, du doublement et des contournements sur la RN88 en Haute-Loire, les élu·es écologistes et de nombreux·ses militant·es s’opposent à ce projet dévastateur sur le plan environnemental car destructeur de terres agricoles et extrêmement dispendieux d’argent public. Ce projet ne répond que trop partiellement aux besoins de la population altiligérienne et aucune mesure alternative n’a été étudiée depuis sa déclaration d’utilité publique au siècle dernier (1997 !).

Nous déplorons en effet que les mesures d’évitement à ce carnage annoncé n’aient pas été prises en compte. Si nous étions dans l’exécutif au conseil régional, nous, élu·es écologistes, aurions développé un plan d’actions global pour baisser la fréquentation des voitures sur la RN88 à travers le développement de transports collectifs (train, bus, parkings-relais, covoiturage), la relocalisation d’activités économiques, la création d’espaces de télétravail et de coworking, et en freinant l’étalement urbain (rôle d’aménageur du conseil régional), actions qui seraient bénéfiques pour les riverains (baisse des nuisances et pollution) comme pour les usagers (moindre coût, confort). Nous aurions travaillé avec l’Etat à l’amélioration et à la sécurisation de la route existante, étudié sérieusement l’opportunité d’une déviation de St-Hostien avec une emprise plus modeste et accompagné l’aménagement des deux villages traversés au profit des commerces et des habitant·es.

Pour démontrer l’intérêt de l’usage agricole de ses terres en sursis, le collectif Lutte des Sucs n’a pas manqué d’imagination et d’actions : semis de céréales, plantation de pommes de terre, dernièrement semaille de tournesol… C’est dans ce contexte que le collectif Brebis des Sucs est né et a proposé un achat collectif d’un troupeau de brebis : 

• pour occuper physiquement le terrain tout en maintenant les milieux ouverts et les pratiques agricoles,
• pour communiquer sur le désastre de la bétonisation grandissante et la difficulté pour des jeunes agriculteur-ices de s’installer et donc pour sensibiliser sur le maintien de l’agriculture paysanne…

Notre groupe, premier groupe d’opposition et composé de 29 élu·es, n’a donc pas hésité à contribuer à ce projet par l’achat d’un de ces ovins permettant de mettre en avant cette zone agricole à protéger (ZAP). Nous avons adopté Zadinette, une brebis Mérinos de 3 ans !

RN88 : un projet inutile contesté

Élaboré en 1997, ce projet prévoit la construction d’une déviation permettant de contourner les villages de Saint-Hostien et du Pertuis (Haute-Loire). Avec l’élection de Laurent Wauquiez à la tête du conseil régional en décembre 2015, ce projet a été remis en avant dès 2017 dans une promesse de désenclavement du département et de sécurisation des routes. Cependant, la réalisation de ce contournement entraînera la destruction de 140 hectares de nature, que ce soit des terres agricoles, des zones humides, des forêts. Ce chantier était à l’origine estimé à près de 236 millions d’euros. L’addition finale sera assurément plus salée. Et cas unique en France : le financement sera assuré à 90% par le conseil régional, pourtant initialement incompétent en matière de routes nationales. Tous ces millions d’euros dépensés pour un gain de temps de trajet de trois minutes…

Plutôt que de dépenser autant d’argent public dans un projet pharaonique, archaïque et répondant à une logique électoraliste, il serait judicieux de mettre en œuvre des alternatives moins coûteuses et moins destructrices de l’environnement et d’engager ces sommes sur le développement de transports en commun par exemple.

RN88 : un projet entaché d’illégalité qui fait l’objet de recours pour excès de pouvoir devant le tribunal administratif 

Myriam Laïdouni, conseillère régionale écologiste depuis 2015, a formé deux recours pour excès de pouvoir devant le tribunal administratif : un recours en décembre 2020 contre l’arrêté du préfet autorisant le projet de déviation de la RN88 imposé par Laurent Wauquiez, et l’autre recours en février 2021 contre le budget primitif 2021 qui finance entre autres ce désastre écologique et ce gaspillage de fonds publics. 

Dans ces deux recours, nous démontrons le fait que ce projet a été décidé sur la base d’une procédure qui est irrégulière, antidémocratique et caduque, conduisant à un projet écocidaire.

• Irrégulière, dans la mesure où elle ne respecte pas la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages du 8 août 2016, ainsi que le Code de l’environnement. Elle s’appuie sur des décisions prises en violation du Code général des collectivités territoriales, et sous influence d’un conflit d’intérêts.  À noter qu’elle est par ailleurs hors compétence : les routes nationales ne font pas partie de la compétence de la région ! 
• Antidémocratique, car l’exécutif n’a jamais soumis le projet et les éléments permettant de voter en connaissance de cause à l’ordre du jour de l’assemblée plénière. Il a fallu attendre une question orale posée par Myriam Laïdouni au nom du groupe écologiste pour que le sujet soit évoqué. Enfin, il existe un réel conflit d’intérêt dans la mesure où Laurent Wauquiez a instruit, préparé, mis à l’ordre du jour, présenté, défendu, fait voter, voté, et signé les actes ! Alors qu’il était maire du Puy-en-Velay au moment du vote, ville dans laquelle passe justement la RN88, il est nécessairement intéressé à l’affaire pour des intérêts dont la neutralité et l’objectivité peuvent être mises en cause.
• Caduque, car la déclaration d’utilité publique permettant l’expropriation n’est plus valable depuis le 29 novembre 2007. Alors que la Région n’a plus la maîtrise foncière, qu’elle ne dispose pas de l’ensemble du foncier nécessaire, elle a pourtant débuté  les travaux au mépris du droit. 

• Écocidaire, car l’étude d’impact du projet ne présente pas l’ensemble des mesures nécessaires pour « Éviter, Réduire, Compenser » comme imposées par le droit. Les mesures compensatoires calculées sur des bases erronées et incomplètes sont de fait insuffisantes notamment concernant les zones humides. On ne trouve rien concernant la gestion de l’eau ou encore l’évaluation des émissions de gaz à effet de serre.

Les suites…

Alors que les deux instructions sont closes depuis longtemps (décembre 2022 pour l’une, et juin 2022 pour l’autre) sans aucun avis d’audience à l’horizon, l’exécutif vient de lancer une déclaration d’utilité publique modificative qui débutera le 12 juillet 2023.

Serait-ce une tentative de correction des irrégularités de ce projet?  Le groupe Les Écologistes est curieux de voir comment il parviendra à faire de cette déviation un projet éco responsable, légal et cohérent avec les enjeux auxquels nous nous confrontons.

Du 17/07 au 12/08 17h, participons massivement à la consultation publique sur le projet pour exprimer notre opposition :
https://www.registre-numerique.fr/ppve-deviation-rn88

Par ailleurs, les victoires et décisions administratives récentes nous rendent confiant.es sur l’issue de ce contentieux : elles attestent d’une prise en compte de plus en plus réaliste des impacts négatifs des grands projets. 

Ainsi, l’annulation du PLUI Bièvre-Isère qui enterre définitivement toute forme de projet touristique de type Center Parcs par le tribunal administratif de Grenoble ou tout récemment, la décision du préfet de l’Hérault de rendre un avis défavorable sur un complexe touristique au motif de la préservation de la ressource en eau en sont une bonne illustration.

RN88 : la lutte sur le terrain pour empêcher l’irréversible

La lutte sur le terrain : 

C’est en opposition au projet de déviation de la RN88 entre Le Pertuis et Saint-Hostien (Haute-Loire) que s’est constitué le collectif de la Lutte des Sucs. Ce dernier propose des alternatives moins destructrices et nuisibles à l’environnement que le projet de Laurent Wauquiez, tout en discutant avec les habitant.es et en se mobilisant de diverses manières, que ce soit par des temps festifs comme le carnaval du 7 mai dernier, des assemblées générales ou des actions de terrain.

En 2022, l’opposition au projet s’est incarnée dans la plantation de pommes de terre sur le tracé du projet. L’opération s’est étalée sur 3000 m² de terres sous l’emprise du futur tracé de la déviation avec la plantation de 500 kilos de pommes de terre, récoltées ensuite en octobre 2022.

Brebis des Sucs

Afin de diversifier les moyens de lutte et attirer un autre public, le collectif de la Lutte des Sucs a mis en place une association permettant l’achat de brebis afin de constituer un troupeau pâturant sur le tracé de la déviation de la RN88. Des associations et des collectifs soutenant la Lutte des Sucs avaient la possibilité d’acheter une brebis et de la parrainer. 

C’est ainsi qu’en mai, le groupe Les Écologistes a parrainé Zadinette, brebis Mérinos de 3 ans, venue grossir le troupeau de 25 brebis, guidé par plusieurs bergers volontaires et bénévoles.

Plusieurs animations avec le troupeau de brebis sont organisées depuis leur arrivée, notamment la fête de la tonte des brebis le 2 juillet dernier. A cette occasion, s’est tenue une conférence de presse de la Déroute des routes : ce collectif national contre les projets routiers y a rappelé les raisons de son opposition à ce projet d’un autre temps et les conséquences néfastes pour la biodiversité locale.

Depuis début juin et durant tout l’été, sont organisés les “mercrebis” : Tous les mercredis après-midi, le collectif de la Lutte des Sucs organise des animations et des balades avec le troupeau de brebis sur le tracé de la déviation de la RN88. Chaque “mercrebis” est l’occasion d’une thématique spécifique avec goûters, photos, jeux collectifs ou encore découverte des zones humides.

Zadinette, la brebis écolo

Le dossier de presse