Lettre ouverte au nouveau gouvernement sur la pollution de l’air et le report modal dans les vallées alpines

Nous avons décidé d’interpeller le nouveau gouvernement sur la pollution de l’air dans les vallées alpines et l’absence d’ambitions à court-terme sur le report modal, et notamment le fret ferroviaire.

LETTRE OUVERTE

Élu·es des vallées alpines

Madame Élisabeth BORNE, 

Première Ministre

Madame Amélie DE MONTCHALIN, 

Ministre de la Transition écologique 

et de la Cohésion des territoires

Madame Brigitte BOURGUIGNON, 

Ministre de la Santé et de la Prévention

Madame Agnès PANNIER-RUNACHER, 

Ministre de la Transition énergétique

Grenoble, le 31 mai 2022

Objet : pollution de l’air et report modal dans les vallées alpines

Madame la Première Ministre,

Mesdames les Ministres,

Recevez tout d’abord nos félicitations pour vos nominations. Nous vous souhaitons la plus grande réussite dans ces nouvelles missions.

Une semaine avant sa réélection, à Marseille, Emmanuel Macron s’est engagé à « faire baisser les victimes de la pollution de l’air partout en France » grâce à une « planification territoriale qui permettra de changer les moyens de nous déplacer au quotidien : transport public, transport individuel mais aussi pour nos grands industriels en développant de nouvelles stratégies pour le fret ferroviaire et le fluvial […] pour permettre de sortir toutes  les marchandises autrement que par les camions mais bien par le fleuve, les fleuves jusqu’à Lyon et au-delà et le chemin de fer. »

Pourtant ces cinq dernières années n’ont permis aucune avancée notable en matière de qualité de l’air dans nos vallées alpines. Au contraire, en 2021, l’État a été condamné à 10 millions d’euros d’astreinte par le Conseil d’État pour inaction en matière d’amélioration de la qualité de l’air au niveau national. Cette même année, la pollution de l’air a fait 380 morts en Haute-Savoie selon l’Agence nationale Santé Publique France. Selon les nouvelles valeurs guides de l’OMS, pratiquement 100% de la population de Haute-Savoie est exposée à des valeurs anormales. Pendant ce temps, les tunnels routiers du Mont-Blanc et de Fréjus voient toujours circuler 1,4 million de poids lourds par an, détériorant massivement la qualité de l’air des vallées alpines.

La solution pour faire face à ce trafic intense de poids lourds est connue : il faut engager une politique volontariste de report modal vers le rail, et ce dès à présent car face à l’urgence climatique et sanitaire, nous ne pouvons nous contenter d’attendre 10 ou 20 ans.

Ces dernières années, malgré les rapports documentés comme ceux du Conseil d’orientation des infrastructures en 2018 redoublant les avis négatifs de toutes les administrations depuis 20 ans, les seuls choix politiques en la matière ont tout misé sur la création d’une ligne nouvelle Lyon/Turin. Son coût exorbitant a déjà explosé alors même que l’État sous-investit de manière chronique sur les lignes existantes, laissant craindre un assèchement des financements au détriment des lignes du quotidien et du report modal immédiat des flux marchandises et voyageurs vers le train. Il faut arrêter ce projet coûteux et inutile pour concentrer l’argent public disponible sur les solutions de court et moyen terme qui permettent d’enclencher enfin un réel report modal.

Pour réellement réorienter les flux marchandises, il existe des projets concrets dont les études sont achevées qui attendent toujours le lancement des travaux : le CFAL (Contournement Ferroviaire de l’Agglomération Lyonnaise) qui permettrait de désaturer le nœud ferroviaire lyonnais et d’augmenter le fret, la plateforme logistique d’Ambronay dans l’Ain pour faire transiter efficacement les conteneurs sur les trains avec un objectif réaliste de transférer 75% des 1,4 Millions de camions des vallées Nord alpines sur le rail.

Les trop rares chantiers en matière de report modal sont aujourd’hui au point mort. Pire encore, les dernières décisions ont été à rebours de toute planification écologique.

Ainsi, la non-anticipation du report modal face à la fermeture complète annoncée du tunnel du Mont-Blanc pour travaux à l’automne est inacceptable. Celle-ci doit être l’occasion de transférer une partie du trafic des poids lourds vers la voie ferroviaire plutôt que vers la Maurienne. Rappelons que la ligne historique par le tunnel du Mont Cenis est, malgré sa modernisation en 2011, utilisée à moins de 20 % de ses capacités maximales. En effet compte tenu de la diminution drastique du nombre de trains circulant elle transporte aujourd’hui moins de 3 millions de tonnes de marchandises contre 10 millions de tonnes il y a 20 ans.

Cet échec cinglant du report modal s’illustre également par le dévoiement du Fonds pour le Développement d’une Politique Intermodale des Transports dans le Massif Alpin (FDPITMA). Le code des transports prévoit que celui-ci a notamment pour mission de « participer au financement des infrastructures des différents modes de transport » et « d’apporter un concours financier à l’exploitation de services de transport à caractère intermodal ».

Pourtant, depuis 2012, plus de 200 millions d’euros de subventions ont été accordés à la société gérant le tunnel routier du Fréjus sans qu’un centime n’ait servi en parallèle au développement du report modal. Cet argent a contribué au financement de l’exploitation du tunnel et de son doublement, à l’origine présenté comme une “galerie de sécurité” mais qui fait aujourd’hui l’objet d’une ouverture au trafic routier. À ce titre, nous soutenons le recours déposé le 15 avril 2022 par Monsieur Daniel Ibanez, Vivre et Agir en Maurienne et France Nature Environnement Savoie devant le Conseil d’État.

L’ensemble de ces sommes manquent aujourd’hui à des solutions de report modal concrètes et immédiates, loin des grands projets tels que le Lyon Turin, qui auraient un impact rapide et direct sur le nombre de camions transitant sur les autoroutes des vallées alpines.

Cette politique nécessite des investissements conséquents certes, mais bien inférieurs aux milliards des grands projets inutiles Et ces investissements rapides, notamment sur des plateformes intermodales, sont impératifs pour assurer la transition écologique dont nous avons besoin. Elle doit se traduire par un Contrat de Plan État-Région ambitieux : or le volet Mobilités est à ce jour loin d’être satisfaisant puisqu’il consacre une part substantielle des investissements aux projets routiers et que le niveau des financements pour améliorer le réseau ferré est bien en deçà des enjeux.

Le 16 avril dernier, Emmanuel Macron promettait que son quinquennat « sera écologique ou ne sera pas ». Il est temps de passer aux actes. Nous attendons une définition claire, concrète et ambitieuse des actions de la planification écologique dont vous avez dès à présent la charge et la responsabilité. Il est urgent d’améliorer le plus rapidement possible la qualité de vie et de l’air des habitants des vallées alpines.

Nous demandons donc que

  • l’observatoire de la saturation du réseau ferré Alpin – que vous aviez fait créer – rende enfin des conclusions claires en rendant publiques les données sur lesquelles il s’appuie,
  • que le comité des accès français au Lyon-Turin soit revus dans sa composition et réorienté en comité pour le report modal dans les vallées alpines,
  • que les financements soient réorientés vers les solutions permettant un transfert rapide des flux de marchandises et passagers qui ne pourraient être évités par une démarche éco-logique de relocalisation de l’économie, le développement des circuits courts et de l’agriculture paysanne, etc

Nous restons à votre disposition pour que ces solutions concrètes que les écologistes portent depuis de nombreuses années participent aux futures politiques publiques nécessaires pour atteindre les engagements climatiques de la France. Nous vous prions d’agréer nos plus sincères salutations.

Les conseillers régionaux de la Région Auvergne Rhône-Alpes soussignés : 

Fabienne Grébert, conseillère régionale, présidente du groupe Les Écologistes, conseillère municipale d’Annecy, conseillère communautaire ; 

Benjamin Joyeux, conseiller régional de Haute-Savoie ; 

Claudie Ternoy-Léger, conseillère régionale de Savoie, conseillère municipale d’Albertville, conseillère communautaire Arlysère ; 

Alexandra Caron-Cusey, conseillère régionale de Savoie ; 

Jean-Pierre Béguin, conseiller régional de Savoie ; 

Myriam Laïdouni-Denis, conseillère régionale de l’Isère ; 

Pierre Janot, conseiller régional de l’Isère ; 

Véronique Vermorel, conseillère régionale de l’Isère ; 

Zerrin Bataray, conseillère régionale de l’Isère ; 

Cécile Michel, conseillère régionale du Rhône, membre de la commission Transports ; 

Olivier Royer, conseiller régional de la Drôme, membre de la commission Transports ; 

Maxime Meyer, conseiller régional de l’Ain ; 

Gabriel Amard, conseiller régional de l’Isère ; 

Emilie Marche, conseillère régionale de l’Isère ; 

Magali Romaggi, conseillère régionale de Savoie ; 

Les parlementaires soussignés : 

Guillaume Gontard, sénateur de l’Isère, président du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires ; 

Raymonde Poncet, sénatrice du Rhône ; 

Thomas Dossus, sénateur du Rhône ; 

Gwendoline Delbos-Corfield, députée européenne ; 

Michèle Rivasi, députée européenne ;

Karima Delli, Députée européenne, Présidente de la commission Transports du Parlement européen.

Les maires, adjoints, vice-présidents soussignés : 

Jean-Charles Kohlhaas, vice-président de la Métropole de Lyon chargé des Transports ; 

Eric Piolle, maire de Grenoble (Isère) ; 

Laurent Amadieu, maire de Saint-Egrève (Isère) ;

Nadine Reux, maire de Charnècles (Isère), vice-présidente du pays voironnais en charge de la transition écologique ;

François Mauduit, 1er adjoint à Barberaz ;

Pierre Mériaux, adjoint au maire de Grenoble (Isère).

1 réflexion sur “Lettre ouverte au nouveau gouvernement sur la pollution de l’air et le report modal dans les vallées alpines”

  1. Tout est exact, vous omettez juste de parler de la première cause (75%) de la pollution dans les vallées alpines comme dans tout Rhône Alpes: le chauffage au bois.
    D’autre part la première cause de pollution routière provient des véhicules légers et non des camions comme vous semblez l’indiquer.

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