Ce n’est pas la première fois que je me prête à cet exercice, mais à chaque fois, j’ai l’impression que nous ne vivons pas dans le même monde, pas dans le même siècle, le 21e, celui qui va nous amener à relever le plus grand défi que l’humanité ait eu à porter, celui qui va nous amener très vite à transformer nos vies, nos modes de production, nos modes de consommation. Mais nous sommes dans l’hémicycle que vous avez renommé Georges Pompidou, du nom de ce Président qui a mis en place le premier plan neige, lancé le Concorde, développé les réseaux autoroutiers… Pourtant nous ne sommes plus au 20e siècle.
C’est pourtant une politique d’austérité digne des années thatchériennes que vous nous imposez depuis 2016. Vous emboitez le pas aux chantres du néolibéralisme dont le grand théoricien des années 1990 en France a été Monsieur Naouri, on voit où il a conduit le groupe Casino : le ruine, la faillite et le chômage.
Les recettes de fonctionnement augmentent de 3,05% en 2024.
Tous les habitants de notre région, les plus riches comme les plus pauvres, alimentent les recettes de la Région via la TVA, à hauteur de 2,2 MDS € , mais c’est pourtant sur leur dos que vous saignez les services publics que vous n’assurez plus qu’en mode dégradé, transports, lycées et formation professionnelle en tête.
Ce budget est celui de la casse sociale : – 619 000 € en moins sur l’action sociale. Vous nous promettiez un pilotage responsable des dépenses de fonctionnement. Où est la responsabilité quand il s’agit de privatiser la restauration et l’entretien dans les lycées, de laisser des lycéens étudier dans des passoires thermiques et de pérenniser des conditions indignes d’apprentissage ? Vous vous étonnez de ne plus pouvoir recruter mais qui veut d’un salaire de misère avec un contrat précaire ?
La formation et l’enseignement sont les premières victimes de cette casse sociale : -43 M€ en investissement, pas moins de 30,5 M€ pour l’enseignement du second degré, l’année même de notre Mission Lycées qui a mis en évidence les lycées en très mauvais état : lycée Astier en Ardèche, lycée de la plaine de l’Ain à Ambérieu en Bugey et d’autres dont nous vous parlerons dans nos amendements. Ce sont les lycées qui accueillent les lycéennes et lycéens les plus défavorisés qui sont victimes de vos saignées financières. Et plutôt que de gommer les inégalités et engager la transition écologique, vous investissez dans le campus aéronautique, une filière qui bénéficie déjà de milliards d’euros d’argent public et que le dérèglement climatique condamne inexorablement. Les chômeurs devront eux renoncer au financement de la Région en matière de formation certifiante : – 3,5 M€ en moins.
Vous prétendez soutenir l’enseignement supérieur, mais pas les étudiant.es qui souffrent de la dégradation de leurs conditions de vie, de la faim et du froid.
Ce budget est celui de tous les paradoxes, des promesses non tenues, des fanfaronnades sans moyens.
Monsieur Wauquiez, vous nous présenterez demain votre politique en matière de transport. Couplé à ce budget, elle nous confirme surtout que vous avez un train de retard.
Si le transport semble bénéficier d’une embellie, c’est pour mieux rattraper huit ans de désinvestissement massif et faire oublier un CPER Mobilités dont nous devrons nous passer, faute d’un accord avec l’Etat. Vous avez refusé la proposition de la Métropole de Lyon qui était prête à mettre 1 Md sur les infrastructures de RER métropolitain et en même temps le poste “gares et autres infrastructures ferroviaires” est amputé de 11,5 millions d’euros en investissement car vous semblez décidé à ne plus investir pour l’accessibilité handicap des gares.
Vous nous promettez la création de 30000 emplois à horizon 2030 mais vous refusez de réhausser les budgets de la formation professionnelle, vous compressez la masse salariale dans les lycées, vous n’ouvrez pas les places pour pallier les pénuries dans les métiers du soin. Nous connaissons une crise du logement qui met les gens à la rue et vous refusez toujours de vous engager sur ce sujet, en laissant un budget rachitique.
Les dépenses réelles d’investissement baissent si on tient compte du remboursement du capital de la dette – 173 M€ . Vous vous vantez d’un taux d’épargne brute à 25% qui n’a pourtant rien d’exceptionnel. En 2005, il était de 30% pour nos deux régions cumulées. Notre capacité de désendettement permettrait largement de préparer l’avenir et d’engager 1 Md de plus dans la transition. Nous ne proposons aujourd’hui que modestement 200 M€ de réorientation dans ce budget, et des économies substantielles sur les routes, les lycées privés, la chasse, etc.
Mais vous préférez investir massivement dans les canons à neige et les jeux d’hier dont nous aurons l’occasion de reparler longuement tant la gabegie financière s’annonce à contre-courant de l’objectif de zéro artificialisation, de zéro carbone et des capacités financières des collectivités.
La COP 28 vient de se terminer en demi-teinte, pour une sortie timide des énergies fossiles. En Auvergne-Rhône-Alpes, où en sommes-nous ? Inutile de participer dans les prochains jours à la COP territoriale. Votre budget parle de lui-même : -19% en moins pour la politique de l’énergie, juste 6,2 M€ pour produire plus d’énergies renouvelables. Nous n’avons à ce train aucune chance de nous inscrire dans la trajectoire de neutralité carbone. Vous aimez rappeler que 52% de nos émissions de CO2 sont importées et que relocaliser règlerait tous nos problèmes. Rappelons juste que les émissions de CO2 produites seraient justes comptabilisées en France. Sortez des discours simplistes, soutenez sérieusement la transition écologique des entreprises, et cessez de dépenser de l’argent public pour accompagner leur internationalisation !
Vous nous promettez une stratégie ambitieuse pour décarboner le territoire, mais c’est d’abord pour aller déguster des petits fours face au Mont-Blanc à Chamonix. Pas besoin d’événements au sommet avec champagne et service à la cloche pour trouver des solutions pour le climat :
Consommer moins et mieux, être plus efficace, innover. Vous ne faites ni l’un, ni l’autre.
Ils seront nombreux les clients qui se satisferont de votre budget. Mais nous serons redevables vis-à-vis de l’Histoire. Vous n’aurez cessé dans ce mandat de financer des activités fossiles et consuméristes, à mettre en avant les valeurs de compétition, à entretenir l’effet d’aubaine plutôt que l’effet de levier pour accélérer la transition de notre économie.
Tout au long de ce mandat, vous pourrez compter sur notre détermination pour préserver le vivant, restaurer confiance et transparence dans la vie politique et porter des valeurs de coopération pour construire pas à pas une Région plus juste, plus égalitaire, plus solidaire et plus écologique.
C’est pourquoi, sans surprise, nous voterons contre ce budget