Le changement climatique s’accélère et ses effets sont de plus en plus délétères, en particulier en montagne où l’augmentation des températures est plus importante qu’en plaine. Ce ne sont pas les écologistes mais la science qui le dit.1 Les montagnes constituent ainsi de véritables sentinelles du climat, à observer de près et à protéger, en particulier en matière de ressource en eau et de biodiversité. Les derniers éboulements qui ont eu lieu notamment nous incitent à revoir notre rapport aux montagnes qui ne doivent plus être considérées comme des paysages de carte postale et terrains de jeux pour sportifs d’altitude, mais bien comme des milieux particulièrement fragiles, à protéger de la spéculation et de la destruction.
En la matière, le combat contre la 5e retenue d’eau de La Clusaz, village et célèbre station de ski de Haute-Savoie, est particulièrement emblématique. Au prétexte de soi-disant sécuriser la ressource en eau, ce projet venait surtout détruire tout un bois et un espace naturel remarquable, encore miraculeusement préservé et abritant des espèces protégées, principalement pour alimenter des canons à neige, même si la fourniture en eau potable était mise en avant dans l’argumentaire.
Le maire de La Clusaz a annoncé officiellement le 5 septembre dernier avoir décidé cet été avec son conseil municipal d’un moratoire sur le projet prévu de 5e retenue collinaire sur le plateau de Beauregard. Même si la municipalité s’en défend, cette décision ressemble bel et bien à un renoncement, consécutif à plus de deux années de lutte qui ont jusqu’à présent donné raison aux opposant.es à ce projet. Parmi eux, de nombreux habitant.es, des associations de protection de l’environnement et des élu.es, dont nous-mêmes conseillers régionaux écologistes, ont fait preuve de persévérance pour dissuader la mairie de La Clusaz de construire cette 5e retenue collinaire. Et surtout, à l’automne 2021 comme à l’automne 2022, des dizaines de militant.es ont occupé le bois de la Colombièrepour entraver le démarrage des travaux2, alors même que le droit leur donnait raison. En effet, une première décision du juge administratif de Grenoble a suspendu l’arrêté préfectoral autorisant le lancement des travaux en octobre 2022. Même si la mairie de La Clusaz et, comble de l’absurde, le ministère de la Transition écologique, ont fait appel de cette décision, le droit semble bien pour l’instant contredire les bétonneurs de la montagne.
Cette séquence autour de « La CluZad », abondamment relayée par la presse locale et nationale3, illustre ainsi parfaitement tous les nouveaux enjeux autour de la montagne : comment allier prospérité économique et préservation des ressources naturelles ? Comment adapter au mieux ces territoires impactés de plein fouet par le changement climatique ? Comment passer du tout ski et du sur-tourisme à une nouvelle manière de vivre la montagne ? Des questions fondamentales qui, malgré toute sa communication, ne sont absolument pas abordées par la majorité régionale actuelle d’Auvergne-Rhône-Alpes. Le plan montagne 2 à 100 millions d’euros vient surtout maintenir sous perfusion financière les stations de ski et financer des canons à neige pour faire perdurer le plus longtemps possible un modèle désuet du 20e siècle, sans aucun véritable accompagnement à la transition pour de très nombreux professionnels.
À l’opposé de cette vision utilitariste obnubilée par la rentabilité, nous prônons une nouvelle relation à la montagne, plus harmonieuse et respectueuse des territoires, au profit de l’ensemble de habitant.es, passant par un tourisme durable et de quatre saisons, à taille humaine, en cessant de bétonner pour mieux protéger. De plus en plus d’acteur.rices de la montagne œuvrent en ce sens. À nous de les accompagner au mieux !
Benjamin Joyeux, conseiller régional écologiste de Haute-Savoie
