De l’Union européenne en Auvergne-Rhône-Alpes : l’Europe c’est nous toutes et tous !

À quelques mois des élections européennes de juin 2024, et alors que l’Europe n’a pas bonne presse en nos contrées, critiquée par des extrêmes droites qui engrangent des victoires électorales (comme aux Pays-Bas tout récemment), la compréhension du fonctionnement des institutions européennes et de leurs nombreux impacts directs sur les habitant.es de nos territoires est essentielle. C’est pourquoi, du 15 au 17 novembre 2023, notre groupe Les Écologistes était en déplacement à Bruxelles afin de se former au mieux sur les enjeux européens directement en lien avec la région Auvergne-Rhône-Alpes.

L’Europe, une multitude d’institutions

Lorsqu’on parle d’« Europe », donnant l’impression de fantasmer sur une entité étrangère empiétant sur notre souveraineté nationale, de quoi parle-t-on au juste ? Car, de Bruxelles à Francfort, de Strasbourg au Luxembourg, du Conseil européen à la Commission, du Parlement au Conseil de l’UE, en passant par la Cour de Justice, l’Union européenne, c’est avant tout sept grandes institutions et une kyrielle d’administrations qui ne sont pas tombées du ciel mais ont été construites par différents traités au fur et à mesure de la volonté de ses Etats membres de mettre en commun des pans de leur souveraineté, depuis le Traité de Rome en 1957 et jusqu’à aujourd’hui. L’Union européenne, c’est avant tout une construction juridique et politique unique en son genre, élaborée non pas contre, mais par ses Etats membres et en évolution perpétuelle.

Parlement européen à Bruxelles le 15 nov. 2023 @B.Joyeux

Les quatre principales institutions décisionnelles qui dirigent l’administration de l’UE sont le Parlement européen, le Conseil européen, le Conseil de l’Union européenne et la Commission européenne. Ces institutions fournissent à l’UE ses orientations politiques et jouent des rôles différents dans le processus législatif et dans la conduite des politiques de l’Union, aidées dans leurs travaux par d’autres institutions et organes, et notamment la Cour de justice de l’Union européenne, la Banque centrale européenne et la Cour des comptes européenne. Viennent s’y ajouter des institutions consultatives qui ont un rôle primordial d’information et de réflexion dans l’élaboration des lois européennes, le Conseil économique et social européen (CESE) et le Comité européen des régions

La politique de cohésion au service des régions et du climat

Les régions sont un des échelons institutionnels les plus concernés par les politiques de l’UE, via notamment sa « politique de cohésion ». Les 27 Etats membres actuels de l’UE se divisent en effet en 242 régions connaissant de très grandes disparités à la fois géographiques, économiques et sociales. Des îles grecques à Lisbonne, en passant par la Normandie, la Finlande du Nord ou encore la minuscule enclave espagnole de Ceuta, les différences sont énormes. C’est pourquoi la nécessité de bâtir une politique régionale européenne pour diminuer ces immenses disparités s’est très vite imposée aux Etats membres. Ainsi, les premiers fonds régionaux ont été lancés à partir de 1975 jusqu’à constituer à partir de 1994 plus du tiers du budget global de l’Union européenne. Transports, environnement, formation professionnelle, emploi des jeunes, tourisme, développement rural… autant de secteurs pouvant bénéficier des fonds de la politique de cohésion qui représente pour la période 2021-2027 pas moins de 331 milliards d’euros. Elle se compose de trois grands fonds structurels spécialisés :

– Le Fonds européen de développement régional (FEDER, 200,4 milliards), qui finance principalement des actions en faveur de la recherche, de l’économie, de la transition écologique ou encore du numérique. 

– le Fonds social européen + (FSE+, 88 milliards d’euros) qui vient financer des projets liés à l’emploi, à la formation et à l’inclusion sociale.

– Enfin le Fonds de cohésion (FC, 42,6 milliards d’euros) qui aide uniquement les États membres dont le revenu est inférieur à 90 % de la moyenne européenne (selon le PIB) et qui intervient dans les transports et l’environnement.

S’y ajoute un petit nouveau, le Fonds de transition juste (FTJ, 17,5 milliards d’euros), destiné à répondre aux conséquences économiques et sociales de la transition écologique dans les territoires1.

Pour cette dernière période 2021-2027, pas moins de 30 % des dépenses de ces fonds doivent être consacrés à la lutte contre le changement climatique.

La politique de cohésion européenne, c’est donc beaucoup d’argent, orienté par principe au service de la lutte contre les inégalités économiques et sociales et de l’adaptation au changement climatique. Un programme plutôt positif pour des écologistes ! Mais c’est ensuite dans sa mise en œuvre que bien souvent le bât blesse. En France, depuis 2014, ce sont les régions qui sont « autorités de gestion » des fonds structurels européens, en charge de leur suivi et mise en œuvre concrète sur leur territoire.

L’Europe en Auvergne-Rhône-Alpes, omniprésente mais peu visible

Aussi vaste que l’Irlande et avec un PIB équivalent à celui du Danemark, la région Auvergne-Rhône-Alpes est une des plus vastes et des plus riches d’Europe, plutôt avantagée économiquement par rapport à la majeure partie des autres régions européennes. Par contre, son économie compétitive et ses énormes disparités territoriales posent de très lourdes questions tant en matière de transition écologique que de justice sociale et de lutte contre les inégalités.

La région AuRA bénéficie tout de même, au nom de la politique de cohésion européenne pour 2021-2027, d’une enveloppe de 880 millions d’euros au titre du Fonds européen de développement régional, du Fonds social européen plus et du Fonds pour une transition juste2. S’y ajoutent la part de l’enveloppe du FEADER3 de 10 milliards d’euros pour l’ensemble de la France de 2023 à 2027, de même que plusieurs programmes de coopération transfrontalière : Interreg Alcotra, réunissant les départements frontaliers italiens et français, ou encore Interreg Espace Alpin, rassemblant les territoires alpins de sept pays pour y soutenir le développement durable et l’Interreg France Suisse qui réunit 5 départements français et 6 cantons suisses. Sans compter tous les programmes européens de coopération transnationale sectoriels comme Erasmus +, Europe Créative, Cosme, SUERA, Horizon Europe, etc4.

Bref, l’Europe est très présente en Auvergne-Rhône-Alpes. Mais a contrario des désormais célèbres panneaux bleus de Laurent Wauquiez, les affiches vantant les financements européens semblent bien discrètes, là où on les croise partout sur les routes d’Espagne et d’Italie par exemple. La majorité régionale actuelle aurait-elle l’Europe discrète, voire honteuse ?

Au Comité européen des régions5, organe consultatif de l’UE créé en 1992 et composé de représentant.es élu.es au niveau local et régional en provenance des 27 États membres, siège une élue d’Auvergne-Rhône-Alpes, Cécile Gallien, maire de Vorey-sur-Arzon (Haute-Loire) et vice-présidente de l’association des maires de France (parti Renew Europe, macroniste), et Jean-François Barnier comme suppléant, vice-président du conseil départemental de la Loire (également de Renew Europe).

Qui est au courant parmi les habitant.es d’Auvergne-Rhône-Alpes de cette omniprésence européenne sur le territoire ? Même nous, en tant qu’élu.e.s régionaux, n’avons jamais réellement débattu en assemblée plénière des questions européennes concernant directement la Région. Et l’on s’étonne après du peu d’appétence démocratique de nos concitoyen.nes pour l’Europe ?

L’UE est pourtant depuis ses débuts la meilleure alliée des régions, là où bien souvent l’échelon national est mû par une volonté centralisatrice. Et les Écologistes, qui siègent au Parlement européen avec les régionalistes au sein du groupe Verts/ALE (pour Alliance libre européenne6), ont toujours défendu la cohérence et la complémentarité entre l’échelon européen et l’échelon régional, dans l’enceinte du Parlement comme dans l’ensemble des institutions européennes et locales dans lesquelles nous sommes présent.es.

Ainsi, notre groupe a pu visiter lors de son passage à Bruxelles le Comité des régions (CoR), afin d’y rencontrer notamment la Secrétaire générale du groupe des Verts au CoR, Angelika Poth-Mögele. Créé en 2020, le groupe des Verts au Comité des régions compte 13 membres sur 3507, en constituant le plus petit groupe politique mais certainement pas le moins actif.

Élu.e.s écologistes AuRA au CoR à Bruxelles le 16 nov. 2023 ©B.Joyeux

Contrairement à la majorité régionale de Laurent Wauquiez, nous n’avons pas l’Europe timide ni honteuse, mais ambitieuse. Nous dénonçons la petite musique démagogique de la « faute à Bruxelles » si souvent utilisée par la droite et l’extrême droite principalement pour masquer leurs propres impérities nationales. Les institutions européennes sont avant tout le fruit de l’histoire des volontés nationales de leurs Etats membres. On a pu observer ces dernières années la catastrophe à la fois économique et géopolitique qu’a constitué le Brexit pour le Royaume-Uni. Dans les multiples tempêtes internationales actuelles, pour lutter efficacement pour la paix, la prospérité partagée et la transition écologique, l’Europe est le bon échelon, en lien permanent avec les régions. Et elle le serait encore mieux si des majorités progressistes et écologistes la présidaient au lieu d’alliances timides et parfois réactionnaires qui renoncent facilement à prendre à bras le corps les questions d’immigration et de transformation écologique.

Alors que les extrêmes droites distillent partout sur le continent leur discours de haine, de repli sur soi et d’abandon de l’aventure européenne, et que les droites comme celle de Laurent Wauquiez leur courent piteusement après, portons au contraire l’idée d’une Union européenne généreuse et protectrice, au service de la défense de la paix, de la démocratie et de la justice sociale et climatique. Car l’Europe, c’est nous toutes et tous, encore faut-il le savoir et le faire savoir !

Benjamin Joyeux, conseiller régional de la Haute-Savoie

1Il existe deux autres fonds, le Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) et le Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP) mais ces derniers ne relèvent pas de la politique de cohésion.

2Il existe deux autres fonds, le Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) et le Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP) mais ces derniers ne relèvent pas de la politique de cohésion.

3Fonds européen agricole pour le développement rural, voir plus haut

4Pour une vue d’ensemble, voir https://www.europeenauvergnerhonealpes.fr/programmes-europeens

5https://european-union.europa.eu/institutions-law-budget/institutions-and-bodies/search-all-eu-institutions-and-bodies/european-committee-regions-cor_fr

6Voir https://www.greens-efa.eu/fr/

7Voir https://web.cor.europa.eu/greens/Pages/default.aspx

2 réflexions sur “De l’Union européenne en Auvergne-Rhône-Alpes : l’Europe c’est nous toutes et tous !”

  1. 880 millions de fonds européens de cohésion gérés par la Région + les autres fonds feader, interreg et tutti…. on doit dépasser le 1,5 milliard. A quand une évaluation de l’usage qu’en fait la Région AURA? car le principe de ces financements européens n’est il pas, pour bcp, de venir refinancer des actions prises en charge préalablement par la Région.? voire financer d’abord des satellites de la Région? Avec quel clientélisme? . Ce serait bien que les Ecologistes exigent un controle ferme de l’usage de ces fonds publics et l’évaluation des politiques publiques qu’ils financent. Merci

    1. ça n’arrivera jamais car tout le monde dans ce milieu fait en sorte que ce genre de procédure n’advienne pas car il y a trop d’argent en jeu et une cause engagée qui rapporte beaucoup. Ça me rappelle les propriétaires d’un mouvement aux US qui ont utilisé les fonds collectés pour s’acheter des villas a beverly hills. N’en déplaise aux personnes toucher mais malheureusement, votre don a étais utiliser pour satisfaire l’envie d’autrui

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