La culture à la tronçonneuse

Laurent Wauquiez, président de la région Auvergne-Rhône-Alpes et Sophie Rotkopf, vice-présidente chargée de la culture sont engagés dans un saccage méthodique des acteurs culturels de notre région.

Pour la commission permanente du 25 mai 2022, ce sont pas moins de 139 acteurs culturels, de tous les territoires de la région, qui sont victimes de suppressions ou baisses de budget, pour un total de 3,2 millions d’euros. Nous atteignons 4 millions d’euros de coupes franches depuis le début de l’année.

Notre groupe annonce la sélection Un certain mépris 2022 du Festival de Cannes 2022 du dernier long métrage de la droite régionale : Culture à la tronçonneuse !

Transparence sur les coupes !

Notre groupe a décidé de rendre public l’ensemble des données à notre disposition sur ces coupes non concertées soumises au vote le 25 mai :

La baisse globale est de plus de 3,2 millions d’euros rien que pour la commission de mai. Nous comptabilisons plus de 4 millions de coupes depuis janvier.

  • 1 189 000€ de coupes pour les festivals avec des baisses record sur la Biennale d’art contemporain de Lyon (- 253 000€), mais aussi sur des festivals sur Lyon comme les Nuits sonores (15 000€) et sur Grenoble comme Détours de Babel (- 60 000€) et en fait un peu partout en région. De nombreux festivals y compris de petite taille perdent, dans tous les territoires.
  • Le spectacle vivant est clairement dans le viseur : – 1 309 000€. La plupart des scènes à Lyon (Subsistances – 134 000€, Maison de la Danse -180 000€, TNP Villeurbanne – 150 000€), à Grenoble (MC2 – 120 000€), mais aussi à Chambéry, à Albertville, à Valence. Ce qui devrait avoir des impacts très négatifs sur les compagnies indépendantes et sur les emplois artistiques et techniques.
  • Les formations aux enseignements artistiques supérieurs qui sont pourtant une compétence confiée aux Régions par l’acte II de la décentralisation en 2004, perdent 445 000€. La Cinéfabrique à Lyon – 100 000€. Les écoles d’art perdent entre 34 000€ (Annecy) et 180 000€ (Saint-Etienne). L’attaque des écoles d’art et de l’asso qui les aide en sortie d’école à trouver des ateliers (Grand Large) en dit long sur la conception de la politique culturelle de cette majorité : moins on forme des artistes, mieux on peut imposer une pensée binaire, celle de l’extrême-droite qui a toujours laminé les artistes.
  • la filière Livre et littérature perd 289 000€. C’est la Villa Gillet (Lyon) qui est la plus impactée (-300 000€). Cette institution a pourtant été créée par la droite régionale dans les années 1990, et déploie des actions bien au-delà du seul territoire de la Métropole de Lyon.
  • les arts plastiques : – 364 000€. On a voulu nous faire croire que c’était une priorité de la Région en nous faisant voter un fonds d’acquisition pour les œuvres d’art contemporain en janvier, sur lequel nous avions demandé des précisions. C’était donc un leurre. on ne dira jamais assez à quel point il est difficile pour un.e plasticien.ne de vivre de son art.
  • Musiques actuelles : – 30 000€. 
  • les ensembles et équipes indépendantes (fragiles puisqu’elles n’ont toujours pas pu diffuser leurs productions pendant les confinements) sont aussi rabotés de – 280 000€.
  • le Patrimoine culturel immatériel est aussi affecté, même si la subvention au Musée urbain Tony Garnier (Lyon), supprimée dans le rapport initial, a été rétablie dans un rapport modificatif reçu le 19 mai au soir, vieille de la commission culture.
  • le FIC (Fondation d’Intervention culturelle) ne perd rien. C’est l’outil du clientélisme : pas d’orientations, pas de critères, comme le rappelle encore Libération.

Mai 2022 : une attaque en règle contre la culture

Mercredi 25 mai, la Commission permanente du conseil régional doit entériner ces coupes drastiques pour les spectacles vivants, festivals, arts plastiques et patrimoine culturel immatériel.

Le mensonge du rééquilibrage territorial

Laurent Wauquiez a engagé un jeu de massacre : les arts vivants et l’art contemporain sont particulièrement touchés. On peut craindre une dénonciation de Wauquiez de l’élitisme des structures. Or toutes ces structures sont des lieux de diffusion qui accueillent des productions mais font aussi un gros travail de médiation avec des publics très différents : les élèves des collèges, des collèges, des lycées, les apprentis, les personnes des quartiers dont les visites et autres projets pédagogiques seront mis en danger. Dans le même temps, l’exécutif régional a supprimé en mars tout financement aux projets pédagogiques culturels dans les lycées et la région s’est retiré des contrats de ville et ne financent donc plus les actions d’éducation populaire et de médiation culturelle dans les quartiers populaires.

Le coup de tronçonneuse est plus fort à Lyon (-2 millions d’euros !) et Grenoble (-0,5 millions), villes écologistes, qui perdent plus de 25% de leurs financements. Mais tous les territoires seront concernés. La baisse des moyens pour la culture, c’est moins pour l’habitabilité, le bien vivre et l’attraction sur les territoires. Et contrairement aux éléments de langage de la droite régionale, il n’y a aucun rééquilibrage territorial. Des dispositifs existent pour cela mais ne sont pas abondés. Donc les territoires ruraux et péri-urbains ne bénéficient en rien de cette perte sèche.

Une casse pour l’emploi

Les filières culturelles sont pourtant des grosses pourvoyeuses d’emplois artistiques, techniques et administratifs. Cette baisse colossale va déséquilibrer les écosystèmes dans un temps de résilience difficile post-covid et mettre en péril de nombres emplois déjà précaires. Les salles connaissent en moyenne 30% de baisse de fréquentation.

La Région AuRA qui s’était imposée comme la deuxième région culturelle en termes d’emplois et de richesses culturelles recule au plan national et européen.

L’écran de fumée du “fonds d’urgence” pour faire passer la pilule

La même commission propose de réactivé un “fonds d’urgence” pour la culture. Nous n’avons évidemment aucun bilan de l’année 2020 où ce fonds mélangeait des aides supplémentaires et des subventions déjà votées. Son montant maximal est de 500 000€, bien loin de 4 millions de coupes. Il ne concerne que les TPE de moins de 10 salariés et l’aide est plafonnée à 5 000€ ! C’est donc une aumône dans la tradition de la droite qui fait la charité. Une insulte au professionnalisme des organisations culturelles qui n’en feront pas grand chose. De l’affichage, comme toujours.

Laurent Wauquiez : un saccage de la culture depuis 2016

Cette offensive contre la culture, si elle est extraordinaire par son ampleur, s’inscrit dans le premier mandat de saccage des acteurs culturels par Laurent Wauquiez.

BTP versus activités culturelles et artistiques

Sa première décision à son arrivée au pouvoir en 2016 a été de supprimer des millions d’euros de subventions, présentées comme une gabegie de la gauche. La culture a perdu 7% de son budget total entre 2015 (budget additionné des région Rhône-Alpes et Auvergne) et 2016, mais les seules financements aux activités culturelles et artistiques ont reculé de 10% soit 4,2 millions d’euros.

Entre 2016 et 2022, le budget global a bien augmenté de 23% comme l’annonce Laurent Wauquiez, mais au profit des acteurs du BTP essentiellement. Pour la droite régionale, la culture ce sont des musées en dur, pas du spectacle vivant. Leurs priorités transparaissent de leurs décisions budgétaires.

Entre 2015 (2 régions présidés par la gauche et les écologistes) et 2022 (région présidée par la droite) :

  • Le financement des activités culturelles et artistiques a chuté : – 11,8 millions d’euros (-22%)
  • Le financement du patrimoine, notamment l’investissement, a explosé : + 17,5 millions d’euros (+278%)

Musée des tissus (Lyon), Maison de Saint-Exupéry (Ain), projet pour Gergovie (Puy-de-Dôme) : les projets d’investissement se multiplient, sans aucune concertation avec les acteurs culturels et les habitants. Laurent Wauquiez fait beaucoup pour les entreprises de BTP de la région, moins pour les acteurs culturels et artistiques. Il faut dire qu’il est plus difficile de coller un panneau bleu sur une compagnie de théâtre que sur un musée tout neuf.

La région la plus pingre de France

Enfin, rappelons que notre région est déjà parmi celles qui finance le moins les secteurs culturels : seulement 8,60€ par habitant cette année. La Ville de Lyon consacre quant à elle 200€/habitant/an à la culture, la Ville de Grenoble 180€/habitant/an.

2 réflexions sur “La culture à la tronçonneuse”

  1. Payen Vigne Colette

    Quel saccage !
    qui méprise la Culture sous tous ses aspects … se renie et fait offense , et à ses racines , et à son Avenir !
    Monsieur Wauquiez , ressaisissez-vous !
    Il serait temps de faire honneur à la Création Artistique … et ne pas tenir que des plans comptables …. sur des opérations …. sonnantes et trébuchantes … alliées au Béton !
    «  L’Homme ne vit pas seulement de pain … »

  2. ROCHETTE Marie-Claude

    Les décisions de M.Wauquiez me rappellent de tristes souvenirs après des élections municipales et l’accès du Frond National de l’époque au pouvoir : ses représentants avaient supprimé les subventions à la culture.
    C’est d’autant plus féroce que nous venons de vivre 2 ans où nous avons été privé.es pour beaucoup de culture et que les différentes structures se sont battues pour faire le maximum pour garder le lien avec leurs abonné.es.

    André Malraux
    L’Homme et la culture, conférence à la Sorbonne, le 4 novembre 1946, pour la naissance de l’UNESCO

    Tout ce qui dégrade la culture raccourcit les chemins qui mènent à la servitude.
    Albert Camus 1951

    C’est ça, la culture : c’est tout ce que l’homme a inventé pour rendre le monde vivable et la mort affrontable.
    Aimé Césaire

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