Article rédigé par Maxime Meyer
Aujourd’hui dimanche 15 mai 2022 marque la première journée mondiale des blaireaux. Nous parlons bien ici de l’animal, Meles meles, le plus grand mustélidé de France, et non d’éventuels individus de l’espèce homo sapiens.
Cette journée lancée par l’ASPAS, Association Protection des Animaux Sauvages, vise à faire cesser la destruction de cet animal méconnu. Bien qu’inscrite en tant qu’espèce protégée au sein de l’annexe III de la convention de Berne, l’arrêté ministériel du 26 juin 1987 la classe dans la catégorie « gibier » : elle peut donc être tiré ou déterré lors de la période légale de chasse, de mi-septembre à la fin du mois de février, avec très souvent, notamment en Auvergne-Rhône-Alpes, des dérogations préfectorales pour des déterrages dès le mois de mai.
Le blaireau, un animal méconnu du grand public
Le blaireau européen est un animal trapu, court sur pattes, très reconnaissable grâce aux bandes longitudinales noires qu’il porte sur son museau blanc. Habitant de nos contrées depuis environ 800 000 ans (contre 200 000 pour homo sapiens), le blaireau peut vivre environ une quinzaine d’année quand il a la chance de ne pas tomber sur un chasseur ou sur une voiture. Dans la réalité, c’est environ 30 % des adultes qui meurent chaque année. Essentiellement nocturne, le blaireau est très peu connu du grand public, alors même que l’on croise régulièrement en forêt les petits sentiers, les « coulées », qu’il crée en se déplaçant d’un terrier à un autre.
Avec le temps, le blaireau a fini par qualifier un individu naïf, insignifiant, voire ridicule dans le langage courant. Cela viendrait du milieu du XIXe siècle, avec l’utilisation de ce terme par les militaires pour désigner un conscrit, un novice. C’est péjoratif aussi bien pour l’homo sapiens ainsi qualifié mais aussi pour Meles meles ! En effet, le blaireau est une espèce très intelligente, capable de creuser des terriers jusqu’à 5 mètres de profondeur, avec de nombreuses galeries et plus de 40 entrées différentes. C’est donc un excellent terrassier qui déplace souvent plusieurs dizaines de tonnes de terre pour construire son palais souterrain. C’est par ailleurs un animal hospitalier qui est capable d’accueillir des renards, des chats forestiers, des lapins et des putois. Nous avons donc beaucoup à apprendre de cette espèce. Essayons de nous en rappeler la prochaine fois que nous serons tentés d’insulter l’un de nos congénères.
Le blaireau, cible d’une chasse barbare et sans aucune justification scientifique
Malgré ce statut d’espèce-ingénieur, le blaireau est traqué chaque année par les chasseurs car il occasionnerait des dégâts, aussi bien dans l’agriculture que chez les particuliers, et serait porteur de maladie.
Or, il est souvent impossible d’estimer la taille des populations des blaireaux dans la nature, et encore moins les éventuels dégâts qu’ils pourraient produire (qui se retrouve toujours minimes dans le peu d’études existantes). Aucun des chiffres mis en avant par les chasseurs ne repose sur une méthode standardisée, reproduite chaque année et ayant été validée scientifiquement alors que des méthodes existent depuis plus de 40 ans. Plus fort encore, lorsque les populations de blaireaux font l’objet d’études par des organismes indépendants, il s’avère que celles-ci sont largement inférieures aux estimations faites par les fédérations de chasse !
A défaut de méthodes scientifiques, les chasseurs organisent chaque année le déterrage des blaireaux, pratique barbare qui n’est en rien une technique de chasse. Cette technique, appelée vénerie sous terre, est particulièrement choquante puisqu’elle consiste pour les chasseurs à extirper les blaireaux directement de leur terrier, après plusieurs heures passées à creuser la terre avec des pelles, des pioches et des barres à mine. Si vous avez le cœur bien accroché, vous pouvez découvrir cette barbarie en vidéo : https://www.brut.media/fr/nature/venerie-sous-terre-une-video-devoile-la-realite-d-une-pratique-jugee-cruelle-29573633-3314-4eed-a2bf-b06e61717077
Le combat pour une protection totale du blaireau s’amplifie
Depuis de nombreuses années, la bataille fait rage entre les naturalistes/écologistes et les chasseurs pour faire arrêter cette pratique. Protégé par la Convention de Berne, la régulation du blaireau ne doit pas remettre en cause l’état de conservation de l’espèce au niveau national.
La vénerie sous terre est donc clairement contraire à cette convention puisque le blaireau est une espèce dont la période de reproduction et d’élevage des jeunes s’étend de janvier à septembre. Les jeunes blaireautins naissent entre les mois de janvier et mars et sortent pour la première fois du terrier entre avril et mai, mais restent « en famille » tout l’été.
Les associations naturalistes comme l’ASPAS, mais aussi France Nature Environnement et la Ligue de Protection des Oiseaux se battent chaque année pour faire cesser cette pratique, en attaquant systématiquement les dérogations préfectorales devant les tribunaux. Ces associations démontrent aussi au quotidien que la cohabitation peut exister entre Homo sapiens et Meles meles. Des solutions existent, la preuve en image :
Nos voisins européens ont décidé de protéger totalement le blaireau sur leur territoire, et la France est même le dernier pays à pratiquer encore légalement la vénerie. Alors qu’attendons-nous ?
Signons toutes et tous la pétition demandant l’arrêt de cette méthode barbare : https://petitions.senat.fr/initiatives/i-1012?fbclid=IwAR3rOcof0DNH3QlyNF3CSBK2MBUrsTcXgOQ0dhw7vt7fewfaHb25dn1iGNo