Monsieur le président, cher.es collègues,
Face à l’horreur et à la dévastation qui frappent Mayotte, nous saluons la proposition d’un soutien de la région Auvergne-Rhône-Alpes à sa consoeur endeuillée et nous voterons pour ce rapport. Nos pensées vont à toutes les victimes de ce drame, de même que notre soutien le plus fraternel.
Cette crise sans précédent rappelle la vulnérabilité particulière des territoires ultra marins face au changement climatique et à ses conséquences. Les scientifiques s’accordent pour le dire : les tempêtes tropicales ne sont pas plus nombreuses du fait du dérèglement climatique, mais elles sont assurément plus intenses. Du fait de ce changement, Chido est passé d’une intensité de 3 à 4 sur 5 sur l’échelle Saffir-Simpson. Ce phénomène s’explique en partie par le réchauffement des eaux tropicales, qui intensifie l’énergie des cyclones.
L’inaction climatique tue, aussi sûrement qu’une balle tirée à bout portant.
La situation sociale de Mayotte renforce cette vulnérabilité. Alors que plus de 77 % de la population mahoraise vivait sous le seuil de pauvreté en 2018, l’archipel attire de nombreuses personnes en provenance de Madagascar, des Comores ou de la région des Grands Lacs en Afrique. La situation administrative de ces personnes, bien souvent des femmes accompagnées de jeunes enfants ou des mineurs isolés, les rendent méfiantes vis-à-vis des autorités locales. Lors des alertes lancées le 14 décembre, beaucoup ont cru à un piège et n’ont pas osé se réfugier. Ce drame humain est encore intensifié par une fragilité structurelle, liée à un habitat extrêmement précaire, des inégalités sociales et économiques criantes et des conditions sanitaires dégradées de façon répétées. Rappelons le, un tiers de la population mahoraise vit dans un bidonville. Aujourd’hui, en 2024, des citoyennes et des citoyens français vivent dans des bidonvilles.
Tous les ingrédients du drame étaient donc réunis, pour aboutir à ce bilan qui ne cesse de s’alourdir et qui pourrait représenter, à terme, la catastrophe naturelle la plus meurtrière en France depuis de très nombreuses années. La question n’est donc plus de savoir pourquoi c’est arrivé, mais comment anticiper et protéger l’avenir. Les vulnérabilités des territoires ultra marins doivent pousser l’Etat français à un travail en profondeur pour adapter ces territoires à cette nouvelle donne climatique. Cette adaptation ne pourra avoir lieu sans une recherche de justice sociale, sans un investissement massif de l’Etat pour développer ces territoires.
Une société fragile ne peut qu’être balayée par une catastrophe d’une telle ampleur. Il est de la responsabilité de la France de veiller à rendre nos territoires plus résilients pour affronter les crises actuelles et à venir. En 2023, un rapport de l’inspection générale de 6 ministères dénonçait “une faillite généralisée des administrations publiques à Mayotte”. Les sous-investissements en matière d’infrastructures de santé, d’éducation et d’accès à l’eau potable sont une honte, une tâche dans l’égalité territoriale qu’exige notre République. L’attitude du Premier ministre François Bayrou ne fait que renforcer ce sentiment d’abandon, cette impression que parmi les citoyennes et les citoyens français, certains sont moins importants que d’autres. L’Etat et ses administrations doivent pourtant être la garantie que partout en France, à n’importe quel endroit du territoire, notre maison commune que sont les services publics est ouverte et prête à nous accueillir. Nous entendons beaucoup parler de droits et de devoirs, de redevabilité. Mais lorsque l’Etat faillit, que les droits les plus élémentaires des citoyens ne sont pas assurés, comment lui faire encore confiance ? Comment peut-on accepter que certaines et certains d’entre nous ne puissent pas avoir accès à de l’eau potable, à une école, à des médicaments ? La réponse est simple : nous ne le pouvons pas. Et nous ne le devons pas.
Derrière chaque mahorais meurtri, c’est la France entière qui pleure. La tâche à venir est immense, face à des catastrophes de plus en plus terribles. Ce drame nous rappelle que la République est une promesse d’égalité et de solidarité qui ne doit souffrir d’aucune exception. Investir massivement à Mayotte, comme dans tous les territoires oubliés, c’est affirmer que chaque citoyen, chaque personne compte, quelle que soit sa situation ou son lieu de vie.
Je vous remercie.