Monsieur le président, cher.es collègues,
Nous examinons aujourd’hui un rapport important concernant la fièvre catarrhale ovine, une maladie qui, rappelons-le, provoque d’importants dégâts dans les élevages, ovins mais aussi bovins. Les impacts se caractérisent par une mortalité importante et une altération des capacités à se reproduire ce qui affaiblit considérablement l’élevage à court et moyen terme.
Avec mes collègues écologistes, nous adressons tout notre soutien à celles et ceux dont les troupeaux ont été durement touchés par la FCO. Nous voterons pour ce rapport même si quelques éléments complémentaires pourraient être apportés. Nous présenterons des amendements en ce sens.
L’impressionnante expansion de la FCO démontre une nouvelle fois que l’agriculture est l’une des premières victimes d’un dérèglement climatique qui exacerbe la diffusion de cette maladie animale vectorielle, transmise par des moucherons.
Permettez-moi toutefois de profiter de cette tribune pour évoquer plus largement la crise agricole que nous traversons. J’emploie le nous car nous sommes tous concernés. Pas de pays vivant sans paysans, pas d’alimentation de qualité dans nos assiettes sans paysans, pas de bonne santé globale de la population sans une agriculture respectueuse du vivant, pas de dignité humaine sans une rémunération juste des paysans qui exercent l’un des plus beaux et l’un des plus importants métiers du monde.
Les vraies raisons de cette crise sont systémiques. Le productivisme et la libéralisation à tout crin de l’économie agricole soumettent nos paysans à une concurrence mondiale déloyale. La course aux prix bas étouffe nos éleveurs et nos cultivateurs, les forçant à produire et à travailler plus pour gagner toujours moins. Ils sont souvent contraints de vendre à perte entraînant une diminution constante du revenu agricole. Au cours des trois dernières décennies, le revenu net de la branche agricole en France a diminué de près de 40 %.
Dans le même temps, les coûts de production augmentent et les marges des intermédiaires se portent à merveille. Entre 2019 et 2022, le taux de marge des entreprises de l’industrie agroalimentaire en France a augmenté de 2,7 points, Par ailleurs, pour information, la fortune personnelle d’Emmanuel Besnier, PDG de Lactalis, est estimée à 20,9 milliards de dollars.
Cette contradiction entre une productivité croissante et une rémunération décroissante est emblématique des dérives d’un modèle productiviste qui privilégie les volumes au détriment de la qualité et de l’équité. Ce modèle économique n’est pas soutenable, ni pour les humains, ni pour les territoires, ni pour la nature.
On pourrait aussi évoquer la chute vertigineuse du nombre d’agriculteurs au cours des dernières décennies. En 1982, on comptait environ 1,6 million d’agriculteurs exploitants. En 2019, ce chiffre est tombé à environ 400 000. Avec les nombreux départs en retraite prévus, ce chiffre va continuer de diminuer. Je le répète, pas de ruralité vivante et dynamique sans de nombreux paysans.
Vous l’aurez compris, la crise agricole est profonde et ne peut être réduite à des problèmes techniques ou à des réglementations. Certes, des normes peuvent parfois compliquer le quotidien des agriculteurs, et nous devons veiller à ce qu’elles soient pertinentes et adaptées. Mais il est essentiel de ne pas se tromper d’adversaire.
J’en suis intimement convaincu, l’écologie est une alliée précieuse pour les paysans. Nous devons partager une ambition commune : faire vivre nos territoires, préserver notre terre, notre eau, notre biodiversité. Ce sont elles qui garantissent la souveraineté et la qualité de notre alimentation. Nous pouvons réconcilier économie, revenus justes et écologie, en donnant les moyens à l’agriculture de se transformer et en valorisant des modèles agricoles respectueux des écosystèmes et de la santé publique.
Je vous cite Bruno Dufayet, ancien Président de la Fédération Nationale Bovine et éleveur de Salers dans le Cantal, qui avait déclaré dans un entretien qu’il avait eu avec le député François Ruffin : « Qu’attend-on de nous ? Vous voulez la compétition, le modèle néo-zélandais ? On le fera. Une agriculture familiale, de proximité, qui intègre le bien-être animal ? On le fera. Vous voulez tout à la fois ? Ce n’est pas possible. C’est aux Français, et à vous les politiques, de fixer un cap. »
Cette citation illustre l’attente des agriculteurs envers les décideurs politiques pour définir enfin une orientation claire pour l’avenir de l’agriculture française. Si la réponse est systémique elle doit reposer néanmoins sur quelques principes fondamentaux :
Partir des coûts de production pour fixer le prix des denrées alimentaires et permettre aux agriculteurs de vivre de leur métier.
Instaurer des clauses miroirs qui imposent aux produits importés les mêmes exigences que celles appliquées aux produits agricoles nationaux.
Rémunérer les agriculteurs pour les services environnementaux qu’ils rendent.
Viser la décarbonation de l’agriculture dont les produits phytosanitaires et engrais, dérivés du pétrole, sont les principaux consommateurs d’énergie fossile.
Amies agricultrices, agriculteurs, nous sommes avec vous.