Intervention de Fabienne GREBERT sur le plan régional pour l’économie de proximité 2024-2028

Ce plan pourrait nous réjouir tant il nous semble fondamental de soutenir l’économie de proximité et de réorienter l’argent public vers cette économie pourvoyeuse d’emplois non délocalisables. Vous le dites vous -même dans ce rapport. L’économie de proximité emploie plus de salariés privés que le secteur industriel. Pourtant elle devra se contenter des miettes : 20 M€ par an pour l’économie de proximité, pour l’artisanat première entreprise de France, c’est à peine le budget de fonctionnement de l’Agence Auvergne Rhône-Alpes Entreprises, totalement dédiée aux grandes entreprises industrielles.  Le secteur industriel a droit à 100 M€ juste pour le foncier et 1,2 Mds d’aides industrielles en tout genre, sans conditions, sans garantie de la création de valeur laissée sur le territoire. Les entreprises artisanales travaillent pourtant avec les grands donneurs d’ordres de l’aéronautique, de l’aérospatiale, du nucléaire. C’est grâce à ce tissu d’entreprises artisanales que les grands donneurs d’ordres peuvent se déployer dans les petites et moyennes villes.

Ce plan pourrait nous réjouir s’il avait reflété une véritable stratégie de développement local comprenant l’ensemble des secteurs de l’économie de proximité. L’économie de proximité contribue à la richesse de nos territoires, au bien commun, au lien social, à des services publics, à la vitalité des territoires ruraux. Je veux parler de l’économie sociale et solidaire ; 29000 établissements, 304 000 salariés, y compris dans une partie des 180 000 associations qui créent de la valeur économique avec l’appui au quotidien de 700 000 bénévoles actifs. Le secteur non marchand de l’ESS est exclu de ce plan pour l’économie régionale et les modalités d’implication du secteur marchand sont encore très floues.

Pourtant au début des années 60, un ciné-club très actif à Annecy a donné lieu au plus grand festival d’animation du Monde ; un petit événement qui accueille plus de 13000 accrédités, génère près de 23 M€ d’impact économique global, accueille en marge le premier marché mondial d’animation et a fait émerger une filière prospère, la filière de l’image animée et des industries créatives qui emploie dans ce bassin de vie plus de 3000 personnes. Il n’y a pas d’économie sans culture, pas de création d’activités massives sans soutien actif en fonctionnement. C’est un exemple qui je l’espère vous fera revoir votre chasse incessante aux subventions de fonctionnement au secteur associatif. Peut-être faudrait-il mieux soutenir la création d’emplois et d’activités à valeur sociale et environnementale dans nos territoires.
En 2008, le gouvernement Fillon auquel vous apparteniez avait créé le statut des auto-entrepreneurs. Cette solution adaptée à la création d’activités, à la multi-activité, à la lutte contre le chômage a porté ses fruits. Mais elle a considérablement précarisé une population de travailleurs, embauchés désormais à la tâche, avec des indemnités en cas de congés maladie, de congés maternité, d’accidents de travail. Ne les oubliez pas dans ce plan. Aidez-les à se développer.  Les micro-entreprises n’ont pas vocation à se pérenniser. Nous devons absolument accompagner ces entrepreneurs à embaucher, à se former, à investir et à changer de statuts.

 Ce plan pourrait nous réjouir tant les difficultés du commerce indépendant sont importantes et nécessitent des mesures fortes. Vous semblez avoir pris en compte les difficultés rencontrées en milieu urbain. Mais les métropoles se contenteront là aussi de peu : seulement 1M€ alors que vous étiez prêt à en consacrer 15 au moment des violences urbaines en juin dernier. Au total, à Lyon seulement 54 commerces auront été indemnisés pour seulement 294 K€. Il vous en reste un peu sous la pédale pour soutenir les commerces indépendants qui peuvent être plus robustes que les marques internationales. Gap, Camaïeu, San Marina autant de rideaux définitivement tirés dans les centres villes.
L’ennemi du commerce de proximité, ce n’est pas la piétonnisation, c’est Amazon et ces entrepôts gigantesques à qui vous tendez les bras dans vos parcs d’activités d’intérêt régional, dans la plaine de l’Ain en particulier à deux pas de l’aéroport St-Exupéry; une situation toute trouvée pour déverser des produits Made In China partout dans notre Région.

Pour faire face aux difficultés du commerce en centre-ville, ce dont nous avons besoin, c’est  de financer les investissements des commerçants, renforcer l’attractivité de nos quartiers, par exemple à la Guillotière à Lyon et de faire face à la spéculation foncière.

Les villes développent la piétonnisation pour une meilleure qualité de vie et une expérience client plébiscitée , pour répondre aux réglementations sur la qualité de l’air. Alors oui les commerçants des centres-villes de métropoles comme des villes moyennes ont besoin d’aide pour développer et organiser la logistique urbaine, en particulier la livraison du dernier kilomètre avec des vélos cargos.
Ce plan pourrait nous réjouir tant la promotion des projets exemplaires est importante. Mais nous n’y voyons pas la reconnaissance et la valorisation du savoir-faire d’excellence qui fait la réputation de notre Région dans le monde entier : Meilleur Ouvrier de France, Entreprise du Patrimoine Vivant, Infiniment Luxe, les pépites des métiers d’Art. Ces groupements sont absents de la délibération. Pour les métiers de l’Art, du luxe et de l’excellence, il y aurait eu matière à les fédérer à soutenir leur présence dans des salons emblématiques en France et à l’étranger et de faire connaître ce savoir-faire à l’international.

Nous nous réjouissons du soutien à l’expérimentation et de votre appel à projets Commerce et artisanat innovant. Mais pourquoi passer sous silence le prix Artinov qui récompense déjà les meilleures innovations de l’artisanat partout en Auvergne Rhône-Alpes ? Quel soutien comptez-vous apporter aux transitions écologiques, numériques ? Pourquoi ne pas aider les artisans à changer leur véhicule de livraison pour pénétrer dans les centres-villes ? A réduire leurs consommations d’énergie, à isoler leur bâtiment, à produire des énergies renouvelables ? Le prêt Artisan est une réussite. Pourquoi ne pas déployer d’autres dispositifs sur ces enjeux ou la reprise d’activité ?

Ce plan manque de souffle, d’ambition. Il se contente de conforter les dispositifs existants.  Il ressemble plutôt à un bilan de mi-mandat qu’à un plan qui s’inscrit dans la durée pour renforcer les activités de proximité, sans vision long terme du développement local. Nous voterons ce plan car 100M€ c’est un premier pas qui vaut mieux que rien pour un secteur d’activité qui répond aux besoins essentiels de nos habitants, mais les objectifs nous semblent encore bien insuffisants au regard des enjeux environnementaux, des difficultés rencontrées par les professionnels, des changements d’habitudes de consommation. C’est pourquoi nous vous proposerons des amendements qui ont vocation à protéger les entrepreneurs, transformer les activités, sécuriser les investissements et revitaliser les centres villes et les villages.

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