Intervention de Fabienne Grébert sur la stratégie foncière régionale

Cher.es collègues,

La relocalisation est un terme qui est cher aux écologistes. Dans un contexte international extrêmement préoccupant, marqué par les guerres aux portes de l’Europe, les tensions sur les prix de l’énergie et des matières premières et la pauvreté qui frappent de plus en plus de nos concitoyens, il est fondamental de garantir la sécurité alimentaire et énergétique de nos habitant.es, de relocaliser la production de médicaments, de biens d’équipements et de consommation. La Région est le bon niveau pour répondre aux besoins essentiels de nos habitants et organiser la production en conséquence.

La France émet 450 millions de tonnes de GES ; nos importations en représentent 300 millions de tonnes. Faire croire que la réindustrialisation de la France suffirait à réduire nos émissions de gaz à effet de serre pour nous adapter au dérèglement climatique, c’est mentir aux Françaises et aux Français. Au mieux vous économiserez les coûts de transports et les bénéfices d’une réglementation environnementale que vous ne cessez de critiquer.  Laisser croire qu’il suffirait de relocaliser pour continuer comme avant dans une logique de croissance, sans remettre en question nos modes de production et de consommation, c’est au mieux de l’ignorance, au pire de l’irresponsabilité.

La relocalisation doit s’incarner par le développement en France d’activités utiles, décarbonées et régénératrices pour nos citoyens et nos écosystèmes et le renoncement à des activités qui aggravent le dérèglement climatique et détruisent nos écosystèmes. 

Car l’urgence, c’est désormais d’agir : nous sommes en train de griller, 11 000 personnes sont mortes en France l’an dernier à cause des canicules, les réserves d’eau douces s’amenuisent, les fleuves et les rivières s’assèchent, l’eau potable, l’air, les sols sont pollués ; les sols agricoles sont en train de mourir à force de mécanisation et d’épandages de produits phytosanitaires et votre préoccupation est de rester dans la compétition internationale.  Nous vous proposons de prendre la tête de la course, mais de bifurquer pour ne pas foncer droit dans le mur.

Oui, il faut du foncier dédié aux entreprises industrielles ; oui, il faut cartographier le foncier disponible à l’échelle régionale ; oui, il faut faciliter le travail entrepris par Auvergne-Rhône-Alpes Entreprises pour accompagner les projets structurants ; oui, il faut réhabiliter les friches industrielles. C’était le travail du CERF, centre d’échanges et de ressources sur le foncier, créé sous le mandat de Jean-Jacques Queyranne et que vous vous êtes empressé de démanteler quand vous êtes arrivé au pouvoir. Mais quand il s’agit de consacrer 100 millions d’euros, essentiellement pour l’acquisition de foncier, nous avons besoin de savoir pour qui et pour quoi. Pour accueillir sous couvert d’activité de BTP le siège social de Vicat, une activité tertiaire que vous avez piqué à la région Ile-de-France ? Pour accueillir Van Cleef and Arpels dont la fortune est liée à l’extraction de pierres précieuses détruisant ainsi l’environnement mais aussi des vies dans les mines tout en enrichissant le 1er producteur mondial, la Russie ? Nous refusons que cela soit financé avec l’argent public. 

Non, nous ne pouvons plus continuer comme avant, nous n’avons ni le temps, ni le droit. Nos sols sont nos biens communs ; nous ne pouvons ni les brader, ni les confier pour exercer n’importe quelle activité. Alors oui à l’acquisition si vous décidez de les confier sous la forme de bail emphytéotique ou bail réel solidaire. Les stratégies des entreprises sont trop mouvantes pour leur confier les bijoux de famille et leur offrir les opportunités de spéculation foncière à l’occasion de leur départ, ou de nous laisser des terrains pollués en friches, quelques années plus tard. 

Oui à la création d’un syndicat mixte dans la plaine de St-Exupéry mais pas sans interroger l’économie que vous souhaitez promouvoir. Vous vous apprêtez à sabrer une activité économique indispensable pour les besoins essentiels de nos habitants : celle des agriculteurs qui cultivent des céréales dans ce secteur ; et ce, au profit d’activités d’import-export qui ont besoin d’être situées auprès de la plateforme aéroportuaire de Saint-Exupéry. Peut mieux faire en termes de relocalisation ! 

Les collectivités et leurs élu.es ont le droit de choisir et de discuter avec vous quand vous mentionnez dans cette délibération des parcs d’activités d’intérêt régional. C’est le cas de la Métropole de LYon qui n’a même pas été consultée sur le classement du Parc de Chesnes en parc d’intérêt régional. Idem sur le Parc de Seynod Montagny les Lanches. 

Nous aurions pu voter ce rapport si, avant de nous proposer l’acquisition de foncier pour compenser les pertes d’espaces naturels et agricoles, vous aviez expliqué comment vous allez éviter et réduire les besoins de foncier, comme vous y oblige la loi. Nous aurions pu décider des activités prioritaires que nous voulons accueillir, prescrire dans le SRADDET des règles d’urbanisme qui réduisent les emprises au sol.

Nous aurions pu voter ce rapport si vous n’aviez pas proposé de sanctuariser les terrains industriels. Nous considérons qu’il s’agit d’une véritable déclaration de guerre au principe de zéro artificialisation nette. Dans nos territoires, en particulier ceux portés par une très bonne dynamique économique, nous manquons de logements, de logements sociaux, d’hôpitaux. Votre délibération aurait pu proposer de reconfigurer les parcs d’activités existants qui accueillent encore trop d’activités tertiaires qui pourraient être relocalisées au cœur des villes ou des villages, au détriment d’activités logistiques ou industrielles qui nécessitent des accès et des équipements spécifiques. Vous auriez pu accompagner la mutualisation de services communs à plusieurs industriels, à l’instar du GIE Osiris à Salaise-sur-Sanne reconnu comme un des meilleurs exemples de réduction des coûts fixes. Ces pratiques sont largement utilisées en Allemagne ou en Italie et nous ne tirons pas le meilleur parti de ces retours d’expérience.

A l’heure où les maladies professionnelles progressent, où la France se situe en queue de peloton concernant les accidents du travail, nous aurions pu critériser des aides aux entreprises les plus vertueuses, à celles qui ont besoin d’être soutenues pour dépolluer leurs processus de production, protéger la santé des travailleurs, garantir des conditions de travail qui donnent du sens et de l’envie d’avancer. Il n’en est rien. 

Ce rapport est encore tiré par une logique productiviste, une logique de croissance tous azimuts du 20ème siècle qui ne permet en rien de préparer les défis immenses auxquels l’humanité est confrontée. Nous sommes de plus en plus nombreux à en être conscients et à vouloir préparer un avenir soutenable pour nos enfants. Votre projet va à l’encontre de cette ambition qui nécessite coopération avec les collectivités territoriales, accompagnement des industriels pour réduire les impacts environnementaux de leurs activités, concertation avec les habitants pour favoriser l’acceptation de ces projets et ambition pour orienter nos politiques industrielles vers les activités régénératives et vers l’économie circulaire.

Pour toutes ces raisons, nous nous contenterons d’une abstention.

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