Intervention de Cécile MICHEL : Lutte contre les violences faites aux femmes

Intervention générale de Cécile MICHEL

La politique de lutte contre les violences faites aux femmes que présente aujourd’hui la région est volontariste et nous ne pouvons que la saluer. Ce rapport propose une politique régionale amplifiée et s’appuie sur de nombreux leviers des politiques publiques : logements d’urgence, sécurité dans les TER, actions avec les entreprises. L’appui au déploiement des boutons d’alerte est un dispositif nécessaire et essentiel à la protection des femmes vulnérables et déjà aux prises dans des situations de mise en danger. La tenue d’assises régionales sur la lutte contre les violences faites aux femmes sera un point essentiel de l’année 2022, pour en effet irriguer l’ensemble des champs d’action de la région et dans une vraie logique de transversalité. Nous espérons ainsi que l’ensemble de notre assemblée participera activement et avec intérêt à ce rendez-vous. 

Afin de pleinement mesurer l’ampleur de l’engagement de notre région dans cette politique, nous aurions apprécié de recevoir des précisions sur les moyens et crédits dédiés. Nous craignons en effet que l’essentiel des moyens ne soit ciblé sur des politiques d’investissement dans des caméras de vidéosurveillance alors même que c’est la complémentarité des actions qui fait de cette politique une démarche intéressante. 

De plus, ces dispositifs de vidéosurveillance et de boutons d’urgence arrivent en bout de chaîne. Oui, ils sont utiles. Bien sûr que nous voulons un monde où la justice est rendue lorsqu’une violence est commise. Mais ces dispositifs sont incomplets, les frotteurs et les propriétaires de mains baladeuses le savent et profitent de l’affluence pour passer inaperçus. 

Mais surtout nous voulons aussi un monde où le niveau de violence baisse, en amont

Pourquoi une femme ne peut-elle pas sortir le soir avec insouciance tandis qu’un homme, si ? Pourquoi une femme doit-elle travailler 7 heures de plus par semaine dans son foyer que son conjoint, impactant sa vie professionnelle ET sa vie sociale pourtant indispensable pour l’aider à se sortir d’une relation qui deviendrait toxique ? Nous pourrions énumérer longuement les injustices faites aux femmes, les chiffres sont accablants, à l’échelle nationale. 

Les dispositifs d’urgence soulagent les violences les plus graves commises à l’encontre des femmes dans notre société, mais ce sont des pansements. Dessous il y a une infection qui se nomme sexisme, culture du viol, et patriarcat. Les violences dont sont victimes les femmes et les minorités sexuelles germent sur ce terreau-là, dans les stéréotypes de genres, ainsi que dans les logiques de pouvoir et de domination. C’est donc un système puissant, ancré, qu’il convient de déconstruire pour stopper ces violences. 

Nous devrons œuvrer à la prise de conscience, à la modification profonde des comportements. Pas seulement dans les espaces publics et les médias, mais aussi dans les familles, dans le secret des foyers où l’immense majorité de ces violences se produit, à l’abri des dispositifs de vidéosurveillance et amplifiées par des phénomènes d’emprise psychologique. 

Les droits ont été acquis par des générations de féministes avant nous, c’est maintenant d’une révolution culturelle dont nous avons besoin. Elle est en route quoi qu’il arrive. Le milieu féministe bouillonne d’initiatives, de #metoo aux actions de désobéissance civile, en passant par les travaux sur le langage épicène, les ponts devenus évidents avec les luttes contre le racisme, le validisme etc, et j’en passe… 

Il ne tient qu’au conseil régional de faire partie du mouvement.

Par la sensibilisation et la formation. Des hommes, et des femmes. Les acteurs et actrices de terrain sont là, connaissent leur sujet, et ne demandent qu’à être financés. Nous avons besoin de défaire les jugements hiérarchiques entre les hommes et les femmes, les réflexes de domination et d’infériorisation. Nous devons permettre aux femmes de reprendre les clés de leur vie en cessant de croire qu’elles sont subordonnées à une place ou un rôle de femme. 

Par des moyens humains. Via le financement massif des associations, qui suivent les victimes, forment leurs interlocuteurs et interlocutrices, sensibilisent tous les publics.

Dans nos gares, sur nos lignes de TER, nous ne devons pas compter nos sous en matière de présence humaine car, au-delà de la mission première de ces agents, ils et elles assurent une présence dissuasive autant qu’ils et elles peuvent être alerté.es en cas de problème. Ces personnes permettent par conséquent de diminuer les opportunités pour les agresseurs, ainsi que la violence des agressions. Ces personnes ont donc une action beaucoup plus efficace que toutes les caméras de vidéosurveillance.

Au prétexte que ces caméras peuvent servir à – comme vous l’avez si habilement rappelé en assemblée – retrouver le violeur d’une femme agressée dans une gare par exemple, vous attendez un consensus évident. Oui, ces dispositifs de bout de chaîne peuvent contribuer à retrouver un agresseur,  ils le peuvent, parfois. Mais cela concernera une minorité de ces crimes. Car statistiquement, les faits sont pourtant implacables : l’immense majorité de ces viols, ces agressions, ces violences se passe au domicile, dans un environnement connu, par une personne connue, par un mari, un ami, l’ami d’un ami….  

Alors, pouvons-nous aussi attendre un consensus évident envers les moyens dédiés à la prévention ? Sans que cela suscite un jeu politique dont le sujet se passera volontiers. 

Alors M. le Président, a-t-on le droit à cette prévention ? Ou doit-on attendre de se faire agresser pour compter ? 

Nous ne devons pas simplement déployer tous les moyens possibles, institutionnellement et individuellement pour venir en aide à une femme, une proche, victime de violences pour s’extirper de cette situation. C’est bien au-delà que nous devons agir, pour que ni notre voisine, notre collègue, notre fille ne soit victime. Il s’agit de toutes les femmes, les plus proches comme les inconnues. Avant d’être des victimes. Pour ne pas être des victimes. 

Nous avons les moyens d’agir pour faire activement reculer la violence faite aux femmes. Nous devons nous engager de manière plus volontaire sur ce terrain pour éviter toutes les situations de harcèlement et d’agression sexuelle ou à caractère sexiste. Nous devons engager cette bataille culturelle. Nous espérons donc que les amendements que nous vous proposerons pour enrichir ce rapport sauront susciter l’adhésion de l’ensemble des membres de notre assemblée. 

Amendement – Élargir cette politique à la formation et cibler aussi les élus et les agents (défendu par Cécile MICHEL)

Avec cet amendement, nous vous proposons de compléter l’arsenal préventif en matière de lutte contre les violences faites aux femmes. La politique régionale s’appuie sur le déploiement conséquent d’une démarche de sensibilisation pour ses agents, pour les élèves de lycées, comme au sein d’entreprises.

Une heure de sensibilisation en visioconférence, comme il est proposé aux agents de la région, est un bon moyen de s’initier au sujet, de le découvrir. Cependant, nous sommes face à un tel problème ancré dans les logiques de pouvoir et de domination entre les personnes, qu’il ne se déconstruit pas à l’échelle individuelle et collective en si peu de temps.

Aussi, nous proposons qu’en complément des campagnes de communication et de sensibilisation au sexisme, une politique de formation conséquente soit menée. En premier lieu, tous les corps de métiers qui traitent de ces violences doivent avoir accès à une formation solide afin de mieux accueillir et accompagner les femmes (police, milieu médical, …). La région doit pouvoir dépasser les frontières de ses compétences sur cet enjeu.  

La région, en tant qu’employeur ou prescripteur de politiques publiques, doit également accentuer sa politique de sensibilisation et de formation auprès des personnes qui travaillent au sein des lycées, des sièges du conseil régional, de la SUGE.

Enfin, les politiques publiques ne peuvent être menées dans l’objectif d’égalité porté par la devise de la République française si elles sont menées par des personnes qui ne sont pas formées aux diverses problématiques et ramifications du sexisme dans la société, c’est-à-dire nous, élu.es. Nous sommes tenu.es à un devoir d’exemplarité. C’est ainsi que nous lutterons activement pour prévenir et traiter avec pertinence toutes les formes de violences faites aux femmes. 

Amendement – Langage épicène (défendu par Anaïs WIDIEZ)

La langue de Molière était épicène. C’est-à-dire qu’elle permettait la représentation du féminin et du masculin de manière équilibrée, sans en changer l’écriture.

C’est à la fin du 17ème siècle que les grammairiens proposent de changer les habitudes langagières, afin que le masculin l‘emporte sur le féminin, toutes les fois qu’ils se trouvent ensemble, parce que, tenez-vous bien, le masculin serait plus noble. Qui franchement pour croire cela encore en 2021 !

D’autant plus quand on sait que des biais cognitifs de cet usage ont été démontrés aujourd’hui par la science. 

Essayons un exercice très simple : je vous demande de penser à un ensemble de personnes dont vous ignorez la composition et de le nommer. Par exemple, les magistrats. Je vous demande d’imaginer un rassemblement des magistrats français, sur une place que vous connaissez. 

Dit comme ça, il est probable que vous vous représentiez un groupe composé majoritairement d’hommes. Et pourtant, ça n’est pas le cas, la profession était à 67 % féminine en 2020. L’emploi du masculin, comme prétendument neutre, tend à évincer les femmes de nos représentations mentales, et de nos imaginaires.

Aujourd’hui dans ce rapport, nous parlons des violences faites aux femmes. Ce rapport, il est fait pour elles. Et nous voulons qu’elles parlent, qu’elles s’émancipent. Quoi de plus inapproprié alors que de ne pas les mentionner dans les actions qui sont proposées. En effet, la sensibilisation permet non seulement de faire diminuer les comportements sexistes et violents, mais aussi pour les femmes de prendre la mesure de ce qui est normal ou pas.

Et parce que les écrits restent, nous vous demandons de donner plus de visibilité aux femmes dans ce rapport sur les violences qui leur sont faites.

Amendement – Soutenir les acteurs de terrains dans leur action d’accompagnement des femmes victimes de violences (défendu par David BUISSON)

Les femmes sont souvent exposées à des formes graves de violence domestique, harcèlement sexuel, viol… lesquelles constituent une violation grave des droit humains et un obstacle majeur à la réalisation de l’égalité entre les femmes et les hommes.

Quelle qu’en soit la forme, ces violences ont des conséquences multiples et durables pour les victimes au niveau de leur santé (conséquence physique, psychologique) mais également au niveau social (familial, relationnel, professionnel ….)

Cet amendement souhaite pourvoir soutenir les professionnels de santé, policières et policiers, gendarmes, magistrates et magistrats, avocates et avocats, et les travailleurs sociaux, personnel d’accueil au sein des services publics et les associations qui agissent sur cette problématique.

Leur rôle est déterminant pour aider les femmes victimes de violences, dès lors qu’ils interviennent dans le parcours d’une femme victime de violences sexistes et sexuelles. Il n’y a pas de chronologie prédéfinie de leurs interventions et le rôle de chacun et chacune est important tant dans la phase de repérage des violences que d’accompagnement de la victime et le cas échéant, de ses enfants.

Les besoins et demandes des femmes victimes sont multiples : sociaux, médicaux, juridiques, psychologiques, chacun doit apporter à la victime une solution dans son domaine de compétence puis orienter vers les autres professionnels qui apporteront une réponse complémentaire.

Il est donc essentiel que chaque professionnel inscrive son action au sein d’un réseau partenarial de manière à favoriser une prise en charge adaptée et décloisonnée.

Mieux former, pour mieux agir, et pour mieux protéger une femme victime, cela lui permettra de reprendre sa vie en main et d’effectuer les démarches nécessaires en respectant son rythme. Seule une formation de qualité des intervenants peut permettre un accompagnement pluridisciplinaire qui permettra à la victime de sortir du cycle de la violence et de se reconstruire.

Cela permet d’apporter au réseau des connaissances, des pratiques professionnelles, pour mieux repérer, accompagner, et orienter les femmes victimes. Le questionnement, les paroles et attitudes à adopter au cours d’un entretien, la rédaction d’attestations et de certificats méritent une formation spécifique.

 Aussi, nous proposons d’ajouter le point suivant :

III) POURSUIVRE ET AMPLIFIER DES ACTIONS DÉJÀ INITIÉES

III.4) Soutenir financièrement les acteurs de terrain dans leurs actions d’accompagnement des femmes victimes de violence

Amendement – Étendre cette politique aux personnes LGBTQIA+ (défendu par Cécile MICHEL)

Les violences faites aux femmes germent sur le terreau du sexisme, et des logiques de pouvoir et de domination entre les personnes. Ces rapports inégalitaires basés sur les stéréotypes de genre sont aussi à la racine des violences et discriminations dont sont notamment victimes les minorités sexuelles, et vous en avez fait, M. le Président, un des éléments de votre politique internationale.

Ici aussi, venir en soutien des personnes victimes de violences en raison de leur orientation sexuelle supposée ou réelle et de leur identité de genre, est nécessaire. Plus d’une personne LGTBQIA+ sur deux déclare avoir déjà été victime d’agression homophobe ou transphobe. Et les jeunes sont particulièrement visés.

Violences dans l’espace public, dans les transports publics, violences au sein du domicile ou par le rejet de la cellule familiale, cette réalité existe quels que soient les lieux de vie, urbain ou rural, et parfois même plus violemment en milieu rural, quels que soient les milieux sociaux ou même les idées politiques.

C’est pourquoi nous vous proposons cet amendement visant à élargir l’action régionale aux personnes LGBTQIA+ victimes de violence.  

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Retour en haut