Intervention de Fabienne GREBERT : Plan de relocalisation stratégique de l’économie

Intervention générale de Fabienne GREBERT

Monsieur le Président,

Les crises simultanées auxquelles nous faisons face ont fragilisé nos économies, nos emplois, nos entreprises et nous rappellent l’impérieuse nécessité de relocaliser notre industrie.

–          Crise sanitaire qui nous a rendus dépendants de nos chaînes d’approvisionnements dans des pays tiers, accentuant les chocs en cascade : coûts non maîtrisables, ruptures d’approvisionnements, risques géostratégiques,

–          Crise climatique qui va durablement affecter nos économies, nos vies et nous confronter à des risques de dépendance alimentaire,

–          Réindustrialiser, c’est la promesse de 1,7 million d’emplois en plus si nous rattrapions ne serait-ce que la moyenne européenne, 

C’est l’assurance d’une souveraineté recouvrée, si nous nous soucions de satisfaire les besoins de nos habitants et des filières qui s’y emploient. 

–          Cette promesse il convient de la tenir, ce d’autant que la demande locale ne trouve pas satisfaction en Auvergne-Rhône-Alpes. Selon le cabinet Utopies, la région AURA importe chaque année 160 Mds € de biens et marchandises pour satisfaire la demande locale, soit 39% de la demande.

Mais voilà, le consentement à l’impôt est de plus en plus difficile à faire accepter et vous vous êtes fait vous-même le chantre d’un assèchement des services publics, pourtant si important pour attirer les entreprises (accueil des lycéens, formation professionnelle adaptée, transports publics, …). Et voilà que vous enfoncez le clou, vous remettez 1,2 milliard d’aides aux entreprises, sans contrepartie, alors que la France est le champion européen toute catégorie du soutien aux entreprises. Pour 1000 euros d’impôts, 108 € sont consacrés au soutien aux entreprises en France, seulement 83 € en Italie et 74 € en Allemagne. Quels retours sur investissements pouvons-nous en espérer? 

Alors si nous allons vous rejoindre sur les objectifs, ce rapport nous renvoie à un modèle économique du vieux monde, dopé par la promesse d’une croissance du PIB que plus personne n’attend, un modèle économique dont nous attendons qu’il prenne quelques longueurs d’avance sur les enjeux climatiques. Votre rapport n’est pas sans risque sur la libre administration des collectivités. Il vous donne des ailes pour jouer avec l’argent public : 1,2 milliard d’euros, ce n’est pas rien pour alimenter le clientélisme qui vous a permis de gagner les dernières élections.

Nous n’allons pas souscrire à l’inénarrable fable, selon laquelle la valeur ne serait pas ici en Auvergne-Rhône-Alpes, mais dans l’attractivité et la course à la compétitivité internationale. Il y a plus de valeurs à créer avec nos entreprises régionales qu’avec le mirage de l’attractivité internationale. Critérisons nos aides et consommons ce que nous produisons localement. 

Regardez autour de vous : vous êtes entourés de pépites industrielles. Vous le savez d’ailleurs et je dois souligner les efforts que vous avez entrepris pour les Forges de Gerzat qui reprennent l’activité de Luxfer ou encore sur Ferropem, même si nous regrettons le peu d’implication accordée aux salariés, un mal bien français. Mais d’autres n’auront pas eu cette chance : Aubert et Duval, Michelin, Photowatt, Ecopla, Famar, Alpine Aluminium, autant de salariés qui ont perdu leur emploi ou qui sont en passe de le perdre, alors que  ces industries sont indispensables pour nos besoins en biens d’équipement, pour notre santé, notre logement, notre mobilité. Le plan pourrait être l’occasion de racheter temporairement ces activités avant leur démantèlement. Vous n’en parlez pas.

Toutes ces pépites sont la preuve que la Valeur est bien sur notre territoire ; faut-il encore la stimuler, accélérer la circulation des échanges, et faire en sorte, contrairement au modèle Amazon, que la valeur reste sur le territoire. Or cela ne semble pas être votre préoccupation première. Sinon, vous auriez accepté les demandes de subventions de Triveo qui souhaite industrialiser un procédé des transformations des plastiques en mélange. Depuis 2015, cette société a déjà recyclé plus de 1000 tonnes de plastiques dans la vallée d’Oyonnax mais attend toujours votre soutien. 

Votre plan risque de buter sur la disponibilité des ressources. Nous mettrons à l’honneur les entreprises qui sont déjà engagées dans l’économie circulaire et qui ont besoin d’être appuyées pour passer au stade industriel, pour réduire notre dépendance aux ressources naturelles et limiter l’impact carbone de nos activités.

Vous auriez pu reconsidérer le rôle assigné à l’agence régionale du tourisme qui aurait pu être tournée vers la découverte de la région pour les habitants de la région. Eh bien non ! En dépit de la crise COVID et de la crise climatique, vous vous obstinez à faire venir en AURA une clientèle internationale, sans vous soucier de la nécessaire transition des activités de montagne dépendante du ski, sans vous soucier de la souffrance endurée par les acteurs économiques qui sont dépendants d’un tiroir caisse unique et d’une théorie du ruissellement rendue bien hypothétique .

Nous pourrions adhérer à votre plan s’il était tourné vers les besoins essentiels de la population (se nourrir, se soigner, se chauffer, rester en bonne santé) Mais dans ce cas, pourquoi ne pas avoir associé la CRESS à ce plan ? La chambre régionale de l’économie sociale et solidaire aurait été un partenaire de choix pour vous aider à créer des activités de réparation, des petites unités de proximité, pour créer des emplois y compris dans des territoires ruraux. 

Elle aurait été une garantie pour pérenniser des activités sur le territoire, les ancrer dans l’économie locale,  une économie qui préserve des emplois, qui mise sur un réseau de bénévoles qui ne coûtent rien à la collectivité, et qui s’appuie sur les ressources présentes sur le territoire. 

Mais là où ce plan soulève le plus d’inquiétude, c’est sur l’aspect du foncier. Il existait avant une foncière régionale. Elle s’appelait le CERF ; elle avait pour objectif de réhabiliter des friches industrielles et venait en complément des foncières locales. Vous l’avez démantelée. Pourquoi en recréer une ?  Il y a effectivement beaucoup à faire en matière d’urbanisme commercial pour recréer des pôles plus diversifiés, à la place d’Ikéa à la porte des Alpes par exemple, à l’entrée de toutes les villes défigurées par des zones commerciales sans âme et bientôt sans clients. Permettez aux foncières locales d’accéder à ces viviers de terrains et de bâtiments, aidez-les , mais laissez-leur la possibilité d’utiliser à bon escient ce foncier pour des projets qui partent des besoins de la population et des initiatives locales.  C’est à ce prix que nous pourrions voter ce plan, mais, si vous vous obstinez à refuser nos amendements, nous nous contenterons d’une abstention.

Amendement – Economie circulaire (défendu par Olivier ROYER)

​​Monsieur le Président,

La pandémie due au Covid-19 a mis en lumière la nécessité de construire un monde plus résilient, où la destruction des écosystèmes du fait de notre appétit de ressources insatiables ne sera plus le terreau de développement potentiel d’épidémies dramatiques. Aujourd’hui, beaucoup de personnes considèrent que ces problématiques sont lointaines et ne touchent que des régions éloignées de la nôtre. Même si cela était le cas, nous constatons avec cette pandémie que les conséquences de ces dérèglements peuvent devenir mondiales et systémiques.

Notre plan régional en faveur de l’économie circulaire doit intégrer le risque d’épuisement des ressources naturelles afin d’optimiser leurs utilisations.

De la réduction des déchets à la valorisation des pertes énergétiques, de nouveaux usages et synergies doivent être créés afin de limiter notre impact sur les écosystèmes naturels. 

Nos contrats de « territoire engagé pour l’économie circulaire » doivent mettre l’accent sur le développement des matériaux biosourcés bois, paille, chanvre, liège, laine sont par exemple autant de matériaux dotés d’un pouvoir isolant important et d’utilités multiples. Ils sont accessibles en proximité et sont pourvoyeurs d’emploi. La mise en œuvre d’un tel plan fait partie intégrante d’une politique de sobriété qui crée de l’emploi dans des filières comme la construction, les travaux publics, mais aussi l’agriculture et le textile avec à la clé des emplois nombreux, non délocalisables et indispensables à la réussite de la transition écologique.

De même, il est nécessaire que notre économie circulaire prenne en compte les biodéchets en organisant leur retour au sol dans les activités agricoles du territoire et en priorisant la lutte contre le gaspillage alimentaire. Pour cela, elle doit être conçue de façon systémique en s’appuyant notamment sur des initiatives locales telles que les plans alimentaires territoriaux qui se développent un peu partout en région.

« Économiser, réparer, recycler » pour notre politique régionale, cela doit un nouveau triptyque qui guide le développement de toutes nouvelles actions.

C’est pourquoi par cet amendement nous vous proposons dès 2022 de doubler le nombre de contrats « territoire engagé pour l’économie circulaire » et que les « plans alimentaires territoriaux » en cours de mise en œuvre soient renforcés par des moyens financiers de la région afin que nous puissions avoir une souveraineté alimentaire repensée à l’échelle des territoires, qui elle aussi participe au développement de l’économie circulaire par le réemploi d’une partie de nos déchets.

Amendement – Conditionnalité des aides (défendu par Anne BABIAN LHERMET)

Aujourd’hui, toutes les activités humaines doivent concourir à la lutte contre le dérèglement climatique et nos organisations doivent s’adapter à ce changement malheureusement inéluctable.

Cette transition écologique nécessaire est source de création d’emplois et de nouveaux métiers : énergies renouvelables, mobilités propres, transports en commun, rénovation thermique des bâtiments, recyclage, numérique, etc. La relocalisation de l’industrie est une étape de cette transition. Rapprocher la production de la consommation est un moyen de réduire les émissions de gaz à effet de serre, en réduisant les transports, et de créer des emplois locaux ancrés dans les territoires.

Les aides publiques sont un levier pour orienter l’économie dans une direction ou une autre. Les crises climatique, écologique, sociale imposent d’orienter l’économie vers des activités décarbonées, préservant le vivant et assurant des emplois de qualité, respectant les principes d’égalité femme homme, et socialement soutenables.

Nous estimons qu’il est nécessaire de fixer des critères à ces aides de la collectivité afin que les activités des industries, entreprises de services, artisanales de la région n’aient pas d’impacts négatifs sur le climat, la biodiversité, les ressources naturelles locales et importées. L’adaptation au dérèglement climatique devra aussi être une condition à ces aides.

Ces entreprises aidées devront créer des emplois non délocalisables, pérennes, respectueux des femmes et des hommes.

Le “pack relocalisation”, axe II de ce plan, comprend des dispositifs d’aides. Nous souhaitons que ces aides soient conditionnées au respect du climat et à l’adaptation au dérèglement climatique, à la préservation de la biodiversité, et à la création d’emplois pérennes de qualité.

Ces critères, qui devront comprendre la qualité du travail et l’impact environnemental, devront être discutés avec les entreprises, les syndicats et les collectivités concernées.

Nous proposons de compléter le deuxième axe comme suit :

Dispositif :

Le I.1) est modifié comme suit : 

“2 Axe II : Créer un « pack relocalisation » en région Auvergne-Rhône-Alpes qui conditionnera les aides aux entreprises au respect du climat, de l’environnement et au nombre d’emplois pérennes créés.”

Amendement – Foncier (défendu par Fabienne GREBERT)

Vous prévoyez de consacrer 1,2 milliard d’euros pendant 6 ans au plan de relocalisation stratégique de l’économie, sans que nous ne sachions quelle somme sera attribuée à la foncière régionale que vous envisagez de créer. Cette somme rondelette pourrait profiter aux communautés de communes les moins bien dotées. Mais le risque est grand de les voir perdre leur indépendance et le juste arbitrage de l’usage du foncier pour des projets régionaux dont ils n’auraient plus la maîtrise. 

La création de cette foncière risque d’engendrer une mise sous tutelle des foncières locales qui pourraient se retrouver en concurrence avec la foncière régionale. Elles ont, en effet, d’autres objectifs d’acquisition que le seul objectif de relocalisation de l’économie : construction de logements, création de services publics (écoles, hôpitaux, …), préservation des terres agricoles et des espaces naturels, etc.

Les modifications envisagées dans le SRADDET sur la mobilisation du foncier économique, la dotation de moyens financiers colossaux qui pourraient être mis au service de projets industriels de multinationales, sans contreparties et sans pérennité, font planer un risque de dépendance très important des EPCI et des foncières locales au projet de la région en matière industrielle, sans pour autant que les besoins essentiels de la population soient couverts (se loger, se nourrir, se soigner, se former). Nous préférons que les EPCI gardent la main sur leur politique foncière et que la région vienne en soutien, s’il y a lieu, pour les accompagner à déployer des projets dictés par le vote des citoyens. Nous souhaitons que le foncier de la région ne soit pas bradé au profit d’actionnaires animés surtout par leurs intérêts à court terme. Nous aurions pu soutenir votre projet si vous aviez prévu de les mettre à disposition par le biais de baux réels solidaires pour en garder la maîtrise tout au long du cycle de vie des entreprises. 

C’est pour cette raison que nous vous proposons simplement de venir en soutien des foncières locales et des EPCI qui ont vocation à créer ou à requalifier des zones d’activités. 

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