Intervention de Benjamin Joyeux sur le renforcement de l’accès aux médicaments en milieu rural : soutien aux officines de proximité

Monsieur le Président, cher.es collègues,

Ce rapport permet tout d’abord d’illustrer une bien triste réalité, celle des immenses inégalités territoriales de santé qui existent aujourd’hui dans notre pays.

En effet, une étude publiée en avril dernier par l’Association des maires ruraux de France montrait par exemple une nette différence d’espérance de vie entre les personnes vivant en zone rurale et celles vivant en zone urbaine, un écart qui de plus ne cesse de s’aggraver depuis une trentaine d’années. Et ce rapport démontre que l’espérance de vie à la campagne était plus courte pour une raison parfaitement claire : celle d’un accès aux soins beaucoup plus difficile. C’est aussi le cas dans les quartiers populaires, rappelons-le. 

Rappelons que le législateur à l’article L 1110-3 du Code de la Santé publique dispose qu’« aucune personne ne peut faire l’objet de discriminations dans l’accès à la prévention ou aux soins. » Ainsi les pouvoirs publics ont parmi leurs principales missions de garantir l’égalité d’accès aux soins de santé à tous nos concitoyens.

Nous en sommes malheureusement bien loin dans les zones rurales. C’est pourquoi la présence en ces territoires d’une pharmacie est bien souvent la seule porte d’entrée vers des soins essentiels, en particulier pour les personnes ayant du mal à se déplacer.

Que notre région contribue au maintien du maillage des officines de pharmacie dans les zones rurales, comme l’énonce ce rapport, va donc dans le bon sens et constitue un instrument supplémentaire pour lutter contre les déserts médicaux. Surtout que la loi ne nous aide pas, elle ne permet pas l’ouverture d’une pharmacie qu’aux communes de plus de 2 500 habitant.e.s. Une disposition spécifique pour les territoires dans lesquels l’accès au médicament pour la population n’est pas « assuré de manière satisfaisante » est censée être mise en œuvre par décret, un décret que l’on attend depuis cinq ans.

Face à une situation urgente et dramatique, l’Etat et les ARS semblent en fait bricoler en permanence, déposer une rustine ici, colmater une brèche là, et toujours selon une approche quantitative plutôt que qualitative. Tout ça ne forme pas une véritable politique publique de la santé, offrant une vision et des perspectives à nos concitoyens. Il s’agit d’arrêter de mettre « du mercurochrome sur une jambe de bois » pour citer Coluche.  

Il serait donc bien utile que la Région ne prenne pas la même voie et choisisse de tout mettre en œuvre pour contribuer à sauver et réparer notre système de santé, par une approche holistique et non sectorielle. Nous devons garder à l’esprit l’universalité de notre système de santé, tel qu’imaginée par Ambroise Croizat à la création de la Sécurité sociale. Si le « quoi qu’il en coûte » doit avoir un sens et ne pas rester une formule cynique de communication, c’est bien en matière d’accès aux soins de santé pour tout le monde, y compris pour les étrangers présents sur notre sol, quel que soit leur statut. Le Serment d’Hippocrate ne souffre d’aucune limitation administrative et les récents débats autour de l’Aide médicale d’Etat étaient à cet égard parfaitement lamentables.

C’est là que votre rapport souffre à mon sens de sa plus grande faiblesse. A l’instar de votre plan régional de santé voté en mars 2022, ce texte est au moins pour moitié un bilan des actions menées et il s’agit surtout d’un rapport sur le soin, non sur la santé, un rapport qui risque de renforcer encore ce marketing territorial, en cherchant à soulager les pharmacies dans tel territoire plutôt que dans tel autre, en oubliant au passage tous les autres professionnels de santé souffrant de pénurie et d’une crise de l’attractivité.

Etant donné la gravité de la situation globale de notre système de santé, au bord de l’effondrement, voire d’ores et déjà totalement sinistré en maints secteurs comme la psychiatrie, une approche beaucoup plus globale et ambitieuse nous apparaît urgente et nécessaire.

Selon la définition de l’OMS dans le préambule de sa constitution de 1946 : « la santé est un état de complet bien-être physique, mental et social et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité. » Il s’agit donc bien entendu de pouvoir accéder dès que de besoin à des médecins et à des pharmacies, mais également de pouvoir se loger dignement, de manger sainement, de respirer un air pur, de ne pas subir un stress permanent… Bref d’avoir une approche de santé globale qui passe par un volet prévention bien plus ambitieux.

Et pour faire de la prévention en matière de santé, le tissu associatif régional constitue un trésor, comme sur l’ensemble du territoire. Malheureusement vous lui avez coupé très fortement les aides depuis 2016, affaiblissant de facto notre écosystème de santé.

Oui nous ne partageons pas la même vision. Là où l’on continue de bricoler, il faut imaginer et engager d’urgence une révolution copernicienne, qui prenne en compte l’explosion des maladies chroniques dues à notre mode de vie, et pas seulement « au vieillissement de la population » comme c’est écrit dans le rapport. En attendant, étant donné l’urgence, toute aide, aussi modeste soit-elle, est bonne à prendre.

Nous souhaitons ainsi seulement intégrer dans ce rapport l’élargissement de la campagne de communication prévue sur le métier de pharmacien à l’ensemble des métiers du soin qui connaissent une pénurie majeure.

Nous souhaitons également intégrer les travaux d’accessibilité handicap des officines dans l’aide régionale prévue. Car, si la majorité des pharmacies sont jugées aujourd’hui accessibles d’après une enquête de l’APF de 2020, il en reste encore quelques-unes qui ne le sont pas.

Gardons à l’esprit cette phrase du Huangdi Nei Jing, le plus ancien ouvrage de médecine chinoise traditionnelle : « Le sage n’attend pas que les hommes soient malades pour les soigner, il les guide quand ils sont en bonne santé. »

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