Intervention de Renaud DAUMAS sur la programmation FEADER 2023-2027 

Monsieur le président, chères et chers collègues,

Premier budget agricole de France ! Plus grosse DJA de France !

Mais pour quoi faire ?

L’exposé des objectifs dévoile des intentions louables avec des éléments de langage appétant et biens choisis.  Néanmoins, nous doutons fortement que cette programmation réponde aux enjeux.

Le premier c’est stopper l’inexorable plan social que subissent nos paysans et paysannes.

Pour répondre à cette exigence nous aurions voulu une prise en compte de l’emploi dans les dispositifs mobilisant du FEADER : le nombre d’emploi agricole est plus important sur les petites fermes, et encore plus celles en agriculture biologique, et ce, avec un moindre niveau d’investissement. 

Le maintien ou la création d’emploi aurait donc dû être encouragé dans le cadre des différents dispositifs, d’autant que l’emploi agricole est non-délocalisable, contrairement aux investissements et équipements, dont la production n’est que très peu régionale. 

Globalement nous aurions souhaité réintroduire des modalités de « majoration du taux d’aides pour pratiques agroécologiques » dans tous les dispositifs de soutiens, avec une graduation entre les démarches de qualité.

Dans la Priorité 1 : « Assurer l’installation d’une nouvelle génération », nous exhortons à une plus grande ambition : un accroissement important du nombre d’actifs agricoles ! 

En projet de création, bien des jeunes renoncent par l’indisponibilité du foncier. Ce sujet n’est qu’effleuré alors qu’il est essentiel et doit être un axe fort et décliné dans tous les schémas, du SRADDET aux PLUi, avec des financements importants sur des dispositifs propres à la région.

L’augmentation de la DJA de base est certes annoncée MAIS avec en parallèle une restriction drastique des niveaux et types de modulation, dont la disparition de toute majoration pour les installations Hors Cadre Familial (47% des installations aidées actuelles), ou la disparition de la modulation pour création de valeur ou d’emploi ( 77% des installations aidées actuelles). La disparition de la modulation “ Non Issu du Milieu Agricole” est incompréhensible ! 

De même, la modulation « Démarche de progrès » n’a prévue aucune graduation entre les démarches : tous les Signes de Qualité (SIQO) sont au même niveau, l’AB serait aussi vertueuse que le HVE ? Et cette modulation n’est accessible QUE s’il y a « engagement dans un processus d’évolution de l’exploitation » et contrairement à la modulation « agroécologie » actuelle, la poursuite de pratiques agroécologiques en place ne permettra pas de bénéficier de cette majoration.

Par ailleurs, les installations aidées ne représentent en moyenne que 35% des installations agricoles. Cela DOIT questionner le type de soutien apporté aux installations ! Tout miser sur la DJA pour faire de l’installation agricole, c’est passer à côté de la moitié des projets… Il faut donc une vraie politique qui permettra aux structures accompagnantes, du début jusqu’à la fin de l’installation, de pouvoir faire leur travail. Or, nous n’avons à ce jour aucune visibilité sur la politique publique globale prévue en région sur l’installation-transmission, ni de garantie sur le respect de la pluralité de l’instance de gouvernance à venir, ou encore sur les modalités d’accompagnement par une essentielle diversité de structures.

Nous interrogeons l’absence d’aides spécifiques accordées à l’installation de personnes de plus de 40 ans, en reconversion professionnelle. Ce mouvement est essentiel pour la vitalité de nos territoires ruraux et la région devrait les accompagner. 

L’enjeu principal est donc le renouvellement des générations ; or, les orientations ne sont pas à la hauteur et n’ont pas permis jusqu’à présent de changer cette donne. Comme aucun changement n’est constaté, aucune chance d’inverser la tendance….

Voire pire, vos leviers contribuent directement à faire baisser le nombre d’agriculteurs car ils vont TOUS dans le sens du soutien à l’INVESTISSEMENT, voire du SUR-investissement ! Cela peut même fragiliser l’installation, voire compromettre la réussite économique et la transmission. 

De plus, le suréquipement individuel ne peut trouver sa rentabilité que dans un niveau de production important et rémunérateur, que les aléas actuels rendent très incertain.

Bizarrement la Priorité 2 : « Aider les investissements des agriculteurs… » est justement la mesure la plus dotée :

Une priorité aurait dû être donnée au soutien à l’agroécologie paysanne, très créatrice d’emploi, qui devrait être le fil conducteur de tout ce programme. Nous attendions des garanties sur la préservation de la ressource en eau, sur la protection de la biodiversité et de la santé humaine avec une réduction drastique des pesticides… nous n’avons rien !

Par ailleurs, cet accompagnement aux investissements devrait se doter de critères permettant d’éviter d’enfermer les systèmes, pour qu’ils puissent s’adapter aux évolutions climatiques, sociétales et géopolitiques…

Pour la Priorité 3 : « Relocaliser la production alimentaire… » 

Il nous semble qu’il manque des thématiques essentielles dans ce chapitre  :

  • un accompagnement ambitieux des Programmes Alimentaires Territoriaux, 
  • la diversification visant une alimentation plus végétale, 
  • la relocalisation des productions alimentaires pour les animaux : pourrions-nous nous passer des importations pour nourrir nos troupeaux ? 

Nous déplorons la disparition des mesures de soutien à la certification des démarches de qualité, alors même que bons nombres d’autres Régions maintiennent ce dispositif, qui vient en complément d’une politique ambitieuse de développement de la bio. 

En ce qui concerne la Priorité 4 : « Valoriser la forêt d’Auvergne-Rhône-Alpes… », malgré les rôles climatique et de captation de carbone irremplaçables des forêts et face aux risques du réchauffement climatique, l’exploitation forestière est déjà et sera plus fortement impactée. Pour protéger et gérer durablement la forêt, il faudrait que la Région adopte un système de critères environnementaux pour limiter les pratiques désastreuses et favoriser les pratiques les plus vertueuses et économes.

Sur la Priorité 5 : « Accompagner les territoires LEADER », la départementalisation des Groupes d’Actions Locales (GAL), est en contradiction avec la philosophie de cet outil européen de proximité, qui entend donner aux territoires ruraux des moyens pour un accompagnement personnalisé des porteurs de projets. Cette gestion départementale contrevient directement au principe de subsidiarité.

Concernant la Priorité 6 : « Développer l’innovation pour répondre aux défis de demain… », la question de la LUTTE, puis de l’adaptation au changement climatique doit être au cœur des actions menées par la Région avec TOUS ses partenaires du monde agricole, pour décliner de manière opérationnelle les pratiques agronomiques résilientes au niveau des fermes, sans  lancer la guerre de l’eau sur nos territoires.

Sur la Création d’un fonds de garantie, pour faciliter l’accès à des prêts à conditions préférentielles, cela ressemble fortement à un « retour » des prêts bonifiés qui semblaient pourtant avoir montré leurs limites lors des programmations précédentes, s’avérant plus favorables aux banques qu’aux agriculteurs, et ayant abouti à leur disparition. 

Concernant Natura 2000 et les Modalités, 2 amendements vous seront proposés par mes collègues.

Dans ce contexte, vous comprendrez que nous voterons contre ce rapport : nous sommes face à un véritable plan social en cours pour l’agriculture française et régionale, et il ne nous semble pas, que ce qui nous est proposé, permettra à notre région d’être à la hauteur de cet enjeu.

Merci.

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