Le Gouvernement a fait le choix de résumer la mobilisation contre les méga-bassines de Sainte-Soline à un affrontement entre “éco-terroristes” et forces de l’ordre, une énième mobilisation d’activistes qui l’ont bien cherché, bravant l’interdiction de l’arrêté préfectoral de la préfète des Deux-Sèvres.
Qui s’y frotte, s’y pique.
Dès lors, l’ordre républicain menacé et symbolisé par les camions des CRS brûlés justifierait le recours à la « violence légitime ».
Ainsi, être républicain serait d’abord ne pas se rendre à ce genre de mobilisation et se contenter d’exercer son droit d’expression dans le cadre institutionnel.
Enfin, on ajoutera que, face à une société soit-disant de plus en plus violente, il serait normal que l’Etat s’organise et « mette le paquet » pour lutter contre les « factieux » comme les désigne Emmanuel Macron.
A l’inverse, il y a manifestement eu des violences contre des policiers et des gendarmes à Sainte Soline et nous les avons condamnées aussi. Nos valeurs sont celles de la non-violence et du respect de l’État de droit.
Mais, incontestablement, depuis le mouvement des gilets jaunes, la répression a changé d’échelle. Les dotations en témoignent : grenade GLI-F4, grenade de désencerclement, grenade lacrymogène, canon à eau et surtout LBD.
Il s’agit bien d’un arsenal qui n’a plus pour seule vocation de maintenir l’ordre, c’est-à-dire contenir, mais qui est bel et bien devenu offensif… Le Défenseur des Droits demande d’ailleurs depuis 2018 « de retirer les lanceurs de balles de défense de la dotation des forces chargées de l’ordre public ».
La Commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe, Dunja Mijatovic, s’est alarmée vendredi dernier d’un “usage excessif de la force” envers les manifestants contre la réforme des retraites, appelant la France à respecter le droit de manifester. Le monde entier regarde la France piétiner les droits de l’Homme. Les rapports s’accumulent : Amnesty International, la Ligue des Droits de l’Homme, l’ONU mettent en cause la doctrine du maintien de l’ordre en France, documentent des violences policières inacceptables. La France est rappelée à l’ordre par la Commission européenne.
Car le sujet est bien là, au-delà même du caractère licite ou pas de la manifestation, c’est celui de la juste répression ou ce que l’Etat est en droit de faire en cas de débordement de manifestation ou de rassemblement illicite.
N’en déplaise à Monsieur DARMANIN, le concept de violence légitime, même dans la bouche de son fondateur Max WEBER n’a jamais été un droit absolu puisqu’il est nécessairement contenu et contre balancé par le principe de proportionnalité, lui-même contenu dans le schéma national du maintien de l’ordre (SNMO) : « l’emploi de la force par les forces de sécurité intérieure doit être absolument nécessaire, strictement proportionné et gradué, avec des moyens adaptés ».
A l’heure où deux jeunes gens sont entre la vie et la mort, la question qui se pose est de savoir si un tel déploiement de forces de l’ordre, armées d’armes létales et se déplaçant en quad, était indispensable.
Pourquoi l’État s’est-il à ce point senti menacé, pour un (grand) trou creusé dans la terre ?
Pourquoi la mansuétude qu’il a pour ceux qui ont impunément construit des méga-bassines sans autorisation à la barbe de leur préfet n’a pas été la même que pour ceux qui se battent pour préserver nos biens communs, loin de leur seuls intérêts personnels ?
Car l’enjeu des méga-bassines est avant tout démocratique : c’est celui de la préservation d’une ressource et de la mise en place d’une gouvernance dans sa gestion : priorisation des usages, justice de répartition et protection du vivant.
Or, ce sujet n’a jamais été abordé au sein même des institutions républicaines, le Président Macron se contentant d’un déplacement à Serre-Ponçon pour exposer une vision verticale et techno-croyante de la gestion de l’eau (usine de traitement, réparation du réseau, …)
Dans le cas de Sainte-Soline, l’Etat refuse toute tentative de dialogue démocratique et pousse les citoyens, pour se faire entendre, à des actions de désobéissance qu’il va, dans un second temps, réprimer.
Pour ce même État, revendiquer un moratoire sur les effets d’une technique mal appréhendée serait le crime de lèse-majesté. Pourtant, de l’aveu même du BRGM (bureau de recherches géologiques et minières), les impacts des mega-bassines n’ont jamais été étudiés en modélisant les effets du dérèglement climatique. Les désordres climatiques vont incontestablement accroître les inégalités sociales et les mobilisations.
S’opposer à cette violence “légitime-là”, celle que l’Etat a pris le parti d’infliger aux mouvements écologistes de manière générale, c’est tout simplement se battre pour les valeurs fondamentales sans lesquelles notre société ne fait pas sens.
C’est la raison pour laquelle la majorité de notre groupe soutient l’appel à manifester ce jeudi soir 30 mars à 19h devant les préfectures des collectifs Bassines Non Merci, Les Soulèvements de la Terre et de la Confédération paysanne, pour les blessé·es de Sainte-Soline et du mouvement des retraites et pour la fin de cette politique violente de maintien de l’ordre.