Monsieur le vice-président délégué aux Finances, chers collègues,
+ 107 % de capacité d’autofinancement, un quasi-doublement du niveau d’investissement. Derrière ces excellents chiffres, il y a surtout un point de référence à l’année 2015, qui vous arrange politiquement.
Mais ces chiffres ne représentent plus rien, près de 8 ans après !
Remonter aussi loin dans l’histoire pour sortir des taux aussi hauts n’a aucun sens. En réalité, depuis 3 ans, vous êtes sur des courbes assez plates en investissement (+44 M€ soit + 3,4%), et par ailleurs, en dépenses de fonctionnement, vous êtes presque arrivés à l’os mais vous arrivez à en gratter encore !
En 2021, le Ceser disait à propos du compte administratif et de votre bilan : « La performance financière, si elle est nécessaire, n’est pas une fin en soi. »
En 2022, le même Ceser disait : « Nous ne pouvons pas évaluer une politique sur des ratios financiers, mais sur ce qu’elle apporte réellement. »
En 2023, le Ceser vous le redit : “ Une réduction continue de dépenses de fonctionnement pourrait remettre en cause l’économie générale de certaines interventions, notamment sur la formation.”
Pendant la présentation du compte administratif, j’aurai dû compter le nombre de fois où vous avez prononcé, M. Daragon, l’adjectif excellent pour qualifier tout à la fois votre bilan, vos ratios financiers, vos investissements, vos actes, votre œuvre, …
Alors nous aussi, nous pouvons vous le redire :
Non, vos économies de dépenses de fonctionnement, ne sont pas excellentes pour le bien-être des lycéens et des usagers des lycées,
Avec 25 M€ de complément de dotation spécifique simplement pour faire face aux surcoûts des factures énergétiques, voilà qui dit bien à quel point vous avez drastiquement réduit les moyens alloués au fonctionnement des lycées.
Non, votre gestion n’est pas excellente quant au niveau d’investissement toujours dans ces lycées, puisqu’encore trop peu ont bénéficié d’une rénovation thermique et énergétique. Avec le plan Marshall 2, rappelons que la région est encore en train de programmer des rénovations prévues au plan Marshall 1.
Non, votre niveau d’investissement n’est pas excellent sur la politique Transports, les investissements sont déjà bien trop tardifs et peineront à rattraper le retard pris sur le matériel roulant manquant, nécessaire pour développer les trains du quotidien et accompagner les mobilités bas carbone.
Cet effort d’investissement sur la politique transports ne représente d’ailleurs que 26% des investissements en 2023.
Non, se féliciter d’une compression des dépenses de fonctionnement n’est pas excellent car ces dépenses sont aussi des investissements d’avenir et, à défaut, nous devrions assumer un rôle d’amortisseur social auprès des habitantes et habitants de notre région, plutôt que d’afficher des ratios financiers aussi bons.
Avec 2,9% seulement d’augmentation à périmètre constant de ces dépenses, bien inférieure à l’inflation, cela traduit, de fait, un désengagement patent de la région sur le fonctionnement, et notamment sur la formation professionnelle.
Très concrètement, nous le voyons depuis 2021, les budgets dédiés par exemple aux écoles de la deuxième chance, aux missions locales, aux CIDFF, ou encore aux MIFE et aux chantiers d’insertion sont identiques à l’euro près. Les salariés, jeunes, précaires et demandeurs d’emploi en attente de formations et les entreprises qui peinent à recruter auront probablement bien du mal à apprécier votre course à la performance. L’ensemble des collèges du Ceser vous alertent sur ce point.
On s’étouffe donc quand on lit en conclusion que “les marges de manœuvre ont été pleinement mobilisées en 2023 pour défendre l’emploi, relocaliser les entreprises et accompagner la reprise de l’activité.”
Arrêtez la performance qui vise à faire le maximum avec un minimum de moyens, mais qui épuise tout le monde, envisagez plutôt la robustesse qui vise à rendre un système stable mais capable d’absorber les chocs !
4 exemples concrets :
Sur la politique Formation précisément, investir dans la mutation des métiers pour anticiper la transition dans tous les domaines est fondamentale et votre abandon du PIC ou votre absence d’alternative à la fin du plan « 1 jeune, 1 solution » est une erreur : la jeunesse est un investissement d’avenir !
Sur la politique Transports, investir sur la route ne bénéficie pas à toutes et tous et nous enferre dans un système dépendant des énergies fossiles. Vous préférez par ailleurs reprendre à titre expérimental une majorité des voies nationales de notre région alors que RIEN ne vous y oblige, et ce sont 46 M investis sur les routes, enfin LA route, autant que sur les lignes de train du quotidien ! Vous êtes décidément sur la mauvaise pente !
Sur la politique Agriculture, cessons les investissements vers une agriculture supposée performante alors qu’elle est dépendante des aléas climatiques et des intrants chimiques. Misons sur des systèmes robustes avec des cultures diversifiées, adaptées au climat local et préservant la biodiversité.
Sur la politique Education, renforçons les moyens dédiés aux lycées : les projets pédagogiques permettent de renforcer la coopération et l’ouverture d’esprit nécessaires à la cohésion sociale et à l’adhésion à une même communauté de valeurs.
L’ADEME nous le redit dans son rapport de décembre 2023 : dans un scénario de transition retardée, l’inaction climatique représente un coût colossal. Cessons les investissements qui ne sont que des palliatifs pour maintenir le monde d’hier.
Engageons la Région dans une trajectoire qui permette de créer un système viable sur le long terme et d’en assurer la stabilité malgré les fluctuations de plus en plus menaçantes.
Nous vous le disons aujourd’hui : pensez à l’avenir plutôt qu’à vos ratios financiers ! Pensez robustesse plutôt que performance !