Intervention de Catherine BONY sur l’encouragement des vocations scientifiques chez les lycéennes d’Auvergne-Rhône-Alpes

Nous avons apprécié de lire le titre de cette délibération « Encourager les vocations scientifiques chez les lycéennes d’Auvergne-Rhône-Alpes ». Et puis la lecture du texte a fait retomber notre enthousiasme. 

Vous présentez un projet qui se veut ambitieux. Et on n’en attend pas moins pour les jeunes de notre région. Sauf que cette ambition se décline en généralités sans souffle nouveau puisqu’il s’agit seulement de poursuivre, de renforcer… ce que l’on tente déjà de faire. 

Plutôt que de “poursuivre une politique offensive en faveur de la culture scientifique, technique et industrielle”, on aimerait que vous vous en dotiez d’une, une stratégie complète déclinée en un plan d’actions concrètes, d’axes prioritaires, d’objectifs chiffrés, d’indicateurs, en bref un plan d’envergure, un plan Sciences et Société, dont la lutte pour l’égalité femmes-hommes et notamment dans les filières scientifiques serait un des axes majeurs. Un plan de stratégie régionale de culture scientifique technique et industrielle comme celui que vous avez mené entre 2020 et 2022 et qui a depuis disparu des radars. Un plan co-construit avec les CCSTI et universités du réseau “Universités et Société” dont 3 établissements sont labellisés “Sciences Avec et Pour la Société”. Un plan dont se sont déjà dotées plusieurs régions. Un plan qui permettrait, grâce à de nombreuses entrées, d’agir sur l’appétence des lycéennes pour les filières scientifiques.

Mais revenons ici et maintenant. Le constat est établi et fait consensus : les filles ne choisissent pas facilement les études scientifiques et techniques. Elles sont sous représentées dans les métiers qui y conduisent. 

Vous en convenez, les enjeux à encourager les filles à s’engager dans les filières scientifiques sont fondamentaux. Vous signalez, seulement en passant,  l’enjeu de la « mixité et d’égalité des chances » pour vous appesantir sur le manque de main d’œuvre dont souffre l’industrie régionale. Dis ainsi, on ne s’étonnera pas que les filles ne choisissent pas davantage les filières scientifiques et techniques…

Loin de nous l’idée de nier le besoin de techniciens et techniciennes, d’ingénieurs filles et garçons, de chercheurs et de chercheuses pour faire face aux défis environnementaux et sociaux de notre temps. Rénovation énergétique des bâtiments, conception des vélos, des cars et trains nécessaires aux déplacements qu’ils soient quotidiens ou occasionnels, production d’énergies renouvelables, démantèlement des centrales nucléaires en fin de vie, réinvention des processus démocratiques… cette liste à la Prévert est loin d’être exhaustive et nécessite l’engagement d’hommes et de femmes.

Pour autant, faire miroiter aux filles l’assurance d’un emploi, aussi chouette soit-il, n’est pas suffisant ! On touche là la fameuse problématique des métiers en tension. Vous nous dites en somme qu’il faut absolument orienter les jeunes vers les professions dont la société a besoin en prenant plus ou moins en compte leurs potentialités et en oubliant surtout leurs appétences personnelles.

De nombreuses études démontrent que les jeunes sont particulièrement sensibles aux problématiques du dérèglement climatique et des crises qu’il engendre. Nous ne parviendrons pas à contenir l’augmentation de la température du globe sans un engagement volontariste. Sans développement des formations aux métiers de la transition écologique, nous ne relèverons pas les défis auxquels nous sommes confrontés. Garçons et filles pourraient trouver du sens à une vie professionnelle au service de leurs aspirations individuelles et collectives. Là se trouve un véritable levier pour attirer les jeunes vers des filières scientifiques.

 « Encourager les vocations  » laisse entendre qu’on va travailler aux conditions favorables à l’émergence de véritables projets d’orientation scientifique et technique chez les lycéennes. Les frontières culturelles sont solides, les représentations sociales des métiers scientifiques et techniques sont tenaces. Dans l’imaginaire collectif, ils ne conviennent pas aux filles, sauf ceux du soin et de la santé. D’ailleurs il est démontré que les écarts en mathématiques entre les filles et les garçons apparaissent dès le CP. 

Derrière ces frontières artificiellement construites se cachent des représentations faussées par le manque d’expérience. C’est en expérimentant, en touchant du doigt la réalité des études scientifiques et techniques, dans de vrais laboratoires, dans des fablab bien équipés, dans des clubs mathématiques que les filles pourront se dire « C’est possible ! » Les rencontres avec les étudiantes et professionnelles contribuent également à mieux appréhender la place des femmes dans les sciences et technologies. L’accompagnement de ces expériences et rencontres modifie les représentations des métiers scientifiques et leur donne du sens, ouvrant l’imaginaire professionnel des filles à d’autres possibles.

Nous attendons que la commission permanente s’empare d’actions qui fixent des objectifs concrets et chiffrés à cette orientation. Nous serons attentifs à ce qu’elle fasse réellement évoluer ce projet pour lui insuffler l’énergie dont a besoin la Région pour accompagner les jeunes, les filles en particulier, dans leurs engagements en faveur de la transition écologique.

Cette démarche pour encourager les vocations scientifiques et techniques chez les lycéennes d’Auvergne-Rhône-Alpes aurait une ambition réellement porteuse d’avenir, si elle était intégrée à une stratégie en faveur du dialogue sciences – société. Vous l’avez fait en 2020, nous espérons la présentation d’une stratégie renouvelée et concrète au plus vite.

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