Monsieur le président, Monsieur le vice-président, chères collègues
Vous nous demandez de nous prononcer sur la « vidéosurveillance algorithmique » Je crois que c’est LE terme à employer si on ne veut pas définir aujourd’hui ce qui sera fait demain.
Ce n’est pas parce que le mot est employé de façon partielle dans certains textes qu’il n’a pas d’abord un sens en français tout simplement.
Un algorithme, c’est un ensemble d’opérations ordonnées et finies, devant être suivies dans l’ordre pour résoudre un problème. Une recette de cuisine est une sorte d’algorithme, un moteur de recherche est un algorithme, quantifier les personnes qui fréquentent un lieu selon leur âge est un algorithme, la reconnaissance de points d’un visage dans une banque de données, donc la reconnaissance faciale, c’est un algorithme. Au sens informatique du terme.
Donc, en matière d’algorithme, on ne peut pas se permettre d’être flou et de potentiellement tout mettre dans le même sac, que ce soit sur le plan légal, moral, démocratique, il faut être plus clair.
Et en l’occurrence, la reconnaissance faciale, vous l’appeliez de vos vœux ici-même en octobre dernier pour les lycées d’Auvergne-Rhône-Alpes. Donc ça n’est pas vous prêter de fausses intentions que de demander des clarifications.
Alors vous citez la CNIL donc je vais me permettre de compléter, en nov 2019 sur la reconnaissance faciale, la CNIL dit : “Le débat sur cette technologie doit être proactif et prospectif […] L’objectif est d’éviter de découvrir un jour, après coup, que, par l’accumulation progressive de nouveaux cas d’utilisation de cette technologie, par sa diffusion à bas bruit dans la vie quotidienne des citoyens, la société aurait changé sans que cela ait fait au préalable l’objet d’un débat d’ensemble et d’un choix politique délibéré.”
Et la CNIL encore, en 2022 cette fois sur les caméras que vous trouvez intelligentes, « Cette technologie ne constitue pas le prolongement des dispositifs existants mais un changement de nature. […] elle est porteuse d’opportunités mais aussi de risques nouveaux pour certains droits individuels, notamment le droit à la vie privée […] La CNIL recommande que les usages de ces technologies soient le plus possible localisés et réservés aux cas où ils présentent la plus-value la plus forte, si possible en lien avec l’intérêt général, en les assortissant de garanties appropriées. »
Quelles garanties est-ce que vous apportez ici ? Quels dispositifs de contrôle pour savoir où ces technologies sont vraiment utiles ? Et si l’État vous dit oui, quels débats publics allez-vous proposer aux populations concernées avant de passer à l’action, à huis clos, en commission permanente ? Il n’y a pas dans ce texte de garantie que vous n’êtes pas plutôt en train de nous mener à bas bruit vers une dystopie à la big brother ou minority report.
À l’inverse, vous dites qu’on est contre la sécurité ce n’est pas vrai.
Seulement, nous ne croyons pas à un technosolutionnisme gourmand en matière et en énergie, comme fuite en avant pour pallier les manques d’effectifs humains, ou l’absence de la Région sur la politique de la ville, qui a pourtant la possibilité d’agir dans les quartiers prioritaires, sur les dispositifs de plein emploi, d’émancipation par l’éducation, ou de prévention.
Nous, nous voudrions avoir une conversation avec vous sur une vision plus large de la sécurité, qui prenne en compte les faits sociétaux, les inégalités, le contexte environnemental, et toutes les dimensions de la sécurité pour tous et toutes.
Je me permets d’insister sur le “toutes” puisque les politiques sécuritaires sont un échec absolu en matière de violences faites aux femmes.
En plus d’être hors cadre légal vous concernant, puisque comme rappelé par le gouvernement tout récemment : le président du conseil régional ne dispose d’aucune compétence en matière de vidéosurveillance, le juge administratif pourrait décider d’annuler une délibération décidant de la mise en place de telles subventions aux communes, et une telle annulation pourrait conduire au remboursement par les communes des sommes déjà versées par le conseil régional. Donc c’est par-dessus tout un risque financier que vous faites courir aux communes.
Nous ne pouvons pas voter ce rapport.