Monsieur le Président, Cher.es collègues,
Cette proposition est, comme à votre habitude, une réaction à chaud à un tragique fait divers. Mon groupe ne peut, une nouvelle fois, qu’avoir une pensée pour Madame Mélanie GRAPINET et ses proches.
Passées les premières réactions émotionnelles, bien légitimes, il revient aux responsables politiques de faire l’état des lieux, puis d’analyser la situation avant de prendre les décisions adéquates.
Avec ce texte vous êtes dans la communication, les effets d’annonces, le blabla. Vous présentez une délibération bâtie à la hâte qui ressemble davantage à un vœu adressé à l’Etat qu’à un programme en faveur des lycéens et lycéennes d’Auvergne Rhône Alpes. D’ailleurs, le point 2 est la reprise du vœu que vous avez acté ici même en mars 2024. En commission, preuve de votre précipitation, vous avez été incapables de répondre à nos questions : quelle concertation avec la communauté éducative ? quel coût pour l’acquisition de scanners ? Quelle procédure pour utiliser ce type de machine ? Mais vous pourrez communiquer : Auvergne Rhône Alpes la première région pour scanner ses lycéens !
La sécurité des jeunes accueillis dans les lycées nécessite des mesures sérieuses. Elle est primordiale. Il faut leur permettre d’évoluer dans un espace où leur intégrité physique et psychologique ne risque pas d’être atteinte.
Pour autant fréquenter des établissements hermétiquement clos et évoluer sous le regard de caméras leur suffit-il à se sentir en sécurité ? Le drame de Nogent invite à répondre que l’on aura beau transformer les lycées en forteresse, on ne pourra empêcher ce type d’acte perpétré sur le parvis et en présence de gendarmes, comme à Conflans-Sainte-Honorine et Arras.
On le voit, la réponse sécuritaire ne fonctionne pas : elle donne l’impression de réagir et l’illusion d’agir. Elle rassure à court terme mais elle n’agit ni sur les causes profondes, ni sur les signaux d’alerte ignorés.
Il faut donc chercher ailleurs, non pas des recettes magiques ni même technologiques, mais des pistes d’action adaptées à chaque configuration.
La sécurité, en particulier dans les établissements scolaires, ne vient pas du contrôle exercé sur les usagers et usagères (et donc aussi sur les personnels qui exercent leurs professions sous l’œil des mêmes caméras). La sécurité vient du lien établi entre les personnes qui fréquentent le même lieu. Construire du lien c’est réellement agir à la racine de la violence, pas avec peur mais avec humanité. Exigence. Bienveillance. Ce sont les deux attitudes nécessaires à une posture éducative source de sécurité.
Les jeunes ne peuvent pas se concentrer sur les cours s’ils sont préoccupés voire perturbés par d’autres problématiques. Les moyens de détection des signaux faibles sont inexistants, les moyens d’accompagnement et d’écoute s’effondrent. Alors on ne voit plus que les actes de violence. Nombreux sont les adolescents et adolescentes de notre pays à rencontrer des problèmes de santé mentale. La psychiatrie, en particulier la pédopsychiatrie, est confrontée à des manques tellement importants qu’elle n’est plus en mesure de faire face à l’augmentation des situations de détresse multipliées depuis la pandémie de covid.
La ministre de l’Education nationale reconnaît que 50% des postes de médecin scolaire sont vacants. Elle s’engage à renforcer les effectifs des infirmiers et infirmières, des psychologues. Le ministre de la Santé détaille 26 mesures pour refonder la psychiatrie. Vous pourriez adresser au gouvernement, que vous soutenez, un vœu pour que ces intentions ne restent pas à l’état d’annonce. Vos parlementaires vont-ils continuer à voter des budgets qui ont dégradé tous les services publics, en particulier ceux de la psychiatrie et de l’Education nationale ?
Nous vous avions questionné à propos du bilan de l’action régionale en faveur de la santé mentale des jeunes, des mesures prévues et du calendrier pour la mise en place d’un plan d’urgence sur le sujet en Auvergne Rhône Alpes. Vos réponses ne sont clairement pas à la hauteur des besoins criants.
Notre Région ne s’empare pas suffisamment de toutes ses compétences en matière de gestion des lycées. Vous décidez du nombre d’agents que vous attribuez à chaque établissement pour assurer les missions d’entretien, de ménage et de restauration. Ces adultes sont présents au quotidien dans les couloirs, en salle de restauration, dans les espaces extérieurs. Ils connaissent les jeunes et sont à leur écoute. Ils font partie intégrante de la communauté éducative. En ne les remplaçant pas et en externalisant ces services, la Région se prive de ces adultes qui assurent une présence stable auprès des jeunes. Elle n’assume pas sa part de responsabilité pour placer des humains qui exercent une présence bienveillante et exigeante auprès des jeunes.
Non, expérimenter des scanners à l’entrée des lycées n’est pas à la hauteur des problématiques que révèlent ces drames, ni de votre responsabilité politique. Nous avons besoins de passer d’une politique de la peur et du repli sur soi à une politique de l’empathie, du lien et de la solidarité sans discrimination. Les jeunes ont besoin, pour grandir, de relations humaines, de bienveillance et d’exigence, pas de machines de surveillance.