Jeux Olympiques d’Albertville 1992 – Quel Bilan ?

Jeux Olympiques d’Albertville – 30 ans et ensuite ?

A l’occasion de la commémoration des 30 ans des Jeux Olympiques d’Albertville, notre conseillère régionale de Savoie, Claudie Ternoy-Léger revient sur l’héritage de cet évènement et sur les questions que pose l’organisation des JO dans nos territoires de montagne.

“Albertville a du mal à capitaliser sur les JO pour enclencher une autre voie de développement touristique et économique que celle qui prévalait dans les années 90. “

Aujourd’hui 8 février 2022, nous fêtons les 30 ans des XVI Jeux Olympiques d’hiver qui se sont déroulés à Albertville, en Savoie. 

Depuis quelques semaines, nombre d’articles de journaux, d’interviews de savoyard·es et de touristes sont consacrés aux traces qu’ont laissé ces JO. 

Beaucoup relatent avec nostalgie, cette grande fête populaire, qui pendant 15 jours a permis à Albertville et à la Savoie de se faire connaître dans le monde entier et d’avoir un aperçu des cultures du monde, grâce aux délégations internationales de sportif·ves, de journalistes et aux touristes qui ont débarqué dans la vallée de Tarentaise et dans les stations de sport d’hiver. 

Enfant de la vallée, j’en garde un beau souvenir de fête. Je regrette même de ne pas avoir eu 20 ans lors des JO, quand j’écoute les récits des jeunes adultes de l’époque qui narrent des rencontres inoubliables ! 

Les JO sont le fruit d’une utopie de paix et de fraternité entre les peuples, une volonté d’universalité et de partage. Nous en avons plus que jamais besoin.
Il y a dans cette grande fête populaire, une sorte de rituel, avec l’exaltation du récit des exploits sportifs, la dramaturgie de ces êtres qui parfois tombent, parfois se dépassent.

Mais il y a aussi comment cette fête est organisée, à quel prix.

Les JO d’hiver de 92 ont un héritage nuancé à Albertville !

Des apports au prix de sacrifices financiers, sociaux et environnementaux

Les JO d’hiver à Albertville ont indéniablement permis à Albertville et à la Savoie de se désenclaver, de se moderniser notamment au travers d’énormes programmes de grands chantiers d’infrastructures routières, et d’équipements structurants pour les habitants :  A43, arrivée du TGV à Bourg-Saint-Maurice, modernisation des gares… Il y a du bon : à Albertville, plus précisément, c’est l’embellissement du centre-ville, la construction d’un Dôme Théâtre, d’un lycée professionnel, d’un nouvel hôpital, d’un stade au pied du mât olympique, de la halle olympique…Des investissements utiles aux habitant·es qui permettent de faire dire aux responsables locaux, qu’Albertville (ville de moins de 20 000 habitant·es) a gagné 15 à 20 ans de développement grâce aux JO. 

Mais il y a du moins bon : les énormes chantiers n’ont pas pris en compte la question environnementale malgré la mobilisation d’associations environnementales qui ont alerté sur les impacts de tels chantiers avec la perte d’espaces naturels à cause de l’artificialisation des terres.  

Claudie Ternoy-Léger devant un panneau commémoratif de la cérémonie d’ouverture des JO de 1992

Au-delà des équipements et des services à la population, le bilan est moins reluisant !

Dans les années 1990, c’est l’explosion du chômage à Albertville (+ 33 % dès 1992), en Savoie (c’est + 21% de chômage) ; ce sont des entreprises venues pour les grands travaux mais ne restent pas. Il n’y a pas eu le “boom” économique annoncé qui plus est dans une période de montée du chômage et de désindustrialisation des vallées ! Albertville perd même de la population durant cette décennie. 

Même si Albertville, passe pour l’enfant gâté des JO avec un remboursement de la dette des JO (42,5 millions d’euros) prise en charge à 75 % par l’Etat et 25% par le département de la Savoie ; Albertville, avait également largement emprunté pour embellir la ville. 

Après les JO, elle a du drastiquement réduire la voilure. Les élu·es en place ont fait le choix de saper les frais de fonctionnement au détriment des Albertvillois·es. Ce sont des services du quotidien qui ont fermé : Foyer Jeunes Travailleurs, piscine,… La taxe d’habitation à explosé de 40 %, la dette par habitant aussi … 

Pour des “JO qui devaient payer les JO”… nous ne pouvons pas vraiment parler d’opération neutre. 

L’impact environnemental de ces JO est déplorable, et les chiffres sont éloquents ! 

Je passe sur les polémiques justifiées des impacts environnementaux des équipements sportifs en eux-mêmes (cf la piste de bobsleigh de la Plagne et ses tonnes d’ammoniac liquide !) : 730000 m3 de terres remuées, 28,5 ha de forêts déboisées, 328500 m2 de logements construits, l’A43 qui a confisqué 95 ha de milieux naturels, l’Isère qui a été dérivée sur 2 km, etc…

Alors que les JO de Pékin viennent de commencer dans la controverse, après l’annonce impromptue, l’automne dernier d’une possible candidature des Alpes aux JO de 2030, ou encore plus récemment après celle des Alpes du Sud pour 2034, 2038…

Nous élu·es écologistes du conseil régional Auvergne-Rhône-Alpes, nous interrogeons légitimement sur ce que pourrait apporter une nouvelle olympiade dans les Alpes. 

Est-ce souhaitable ? Est-ce nécessaire ? Serait-ce compatible avec les enjeux liés à la lutte contre le réchauffement climatique ? Est-ce que l’organisation de méga-événements sportifs constitue en soi l’alpha et l’oméga d’une politique touristique et de développement économique de nos territoires et d’une politique de promotion du sport ? 

Retour sur la situation d’Albertville, face aux enjeux climatiques. 

Le diagnostic posé par le Plan Climat du territoire de l’agglomération Arlysère est sans appel. En 50 ans, c’est une augmentation de la température de 2° (supérieure à la moyenne nationale), c’est une baisse de l’enneigement annuel (-1m), c’est moins 27% de jours de gel en hiver, c’est une remontée de la limite pluie-neige de 200m en altitude, c’est moins 25% du débit des cours d’eau et une dégradation de la qualité de l’air. Les défis d’adaptation au changement climatique rien que sur notre bassin de vie sont énormes si nous voulons respecter l’objectif du Plan Climat Air Energie Territorial de – 26% des émissions de gaz à effet de serre en 2030. 

Le format et les modalités d’organisation des JO imposés actuellement par le CIO sont-ils compatibles avec ces objectifs et les enjeux de neutralité carbone et de préservation de nos ressources naturelles (terres, eau notamment) ? 

La politique touristique menée par l’agglomération Arlysère et celle menée par la ville d’Albertville est principalement tournée vers l’événementiel, si possible international (abonnement aux départs ou arrivées du Tour de France annuel désormais) avec des dépenses importantes env. 80 KE pour le TDF à chaque fois sans compter les coûts de mobilisation des agents territoriaux. 

Il en va du “rayonnement”, de “l’attractivité”, de “l’image” de la ville. Le ruissellement est censé amener emplois, manne financière, et tourisme. Mais à ce jour, nous n’avons jamais eu la possibilité d’avoir une évaluation (en dehors des nuitées touristiques) de ces événements en ce qui concerne des retombées économiques à long terme pour le territoire. 

Et si l’héritage des JO à Albertville était ailleurs ? 

Hall Olympique d’Albertville – Par Rémih — Travail personnel, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=28079126

30 ans après, l’héritage des JO est réduit à Albertville et s’il est vanté d’un côté, il est détruit de l’autre ! L’emblème de cette contradiction, est le parc olympique du Sauvay, véritable espace de verdure, lieu de respiration pour les quartiers sud, bétonné, défiguré, qui laisse désormais peu de place à la contemplation, et aux clubs de sports ! La probable fermeture prochaine du camping municipal peu soutenu en est un autre exemple. 

Albertville a du mal à capitaliser sur les JO pour enclencher une autre voie de développement touristique et économique que celle qui prévalait dans les années 90. 

Avec le groupe Les Écologistes à la Région, nous pensons que tout l’argent mis dans ces événements planétaires tels que les JO pourrait être mobilisé d’ores et déjà pour la transition écologique  de nos territoires, pour les accompagner au mieux face aux défis à relever. En montagne, toute cette manne financière pourrait servir à accompagner les métiers de demain, à remettre des services publics locaux, à remettre des transports collectifs du quotidien, à accompagner les projets pérennes, ancrés parce qu’ adaptés aux besoins des habitant·es des vallées, des villages, des stations, des parcs naturels, des villes à la montagne ! 

A Albertville, ville au pied de 3 massifs (Bauges, Lauzière, Beaufortain), non équipés, non aménagés dans son environnement proche, il y a un patrimoine naturel, historique, culturel exceptionnel à valoriser, des habitants qui n’hésitent pas les soirs de Plan d’Hébergement d’Urgence à ouvrir leurs portes aux naufragés des routes (souvenir des JO) qui aiment leur territoire et connaissent les pépites à faire connaître aux touristes ! 

L’héritage des JO réside en chacun·e de nous de par ces valeurs de partage, d’accueil, de fraternité et c’est cela qui devrait nous donner l’élan pour faire face aux défis du changement climatique et inventer collectivement un autre modèle de développement avec l’appui des collectivités locales ! 

Claudie Ternoy-Léger, conseillère régionale de la Savoie

#sport #tourisme #surleterrain #àlaune #savoie

1 réflexion sur “Jeux Olympiques d’Albertville 1992 – Quel Bilan ?”

  1. Bonjour,
    Vous avez raison de vous interroger !
    Mais ne faut-il pas aller plus loin et vous opposer à la tenue de JO d’hiver à l’avenir ?
    (le fait que la France soit la seule candidate devrait vous interpeller !)

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