Subventions régionales : quand le clientélisme avance masqué !

Dans le cadre des travaux précédents publiés dans l’article de l’observatoire du Wauquisme “Clientélisme: subvention contre bulletin de vote”, nous avons cherché à déterminer si les pratiques clientélistes de Laurent Wauquiez persistaient et, le cas échéant, d’identifier les éventuelles subtilités dans leur application actuelle.

Nous avons donc réalisé une étude visant à analyser la répartition des subventions accordées par la Région Auvergne-Rhône-Alpes aux différentes collectivités pour l’année 20231, en tentant de  comprendre si certaines tendances se dégageaient dans l’attribution des fonds régionaux.

Pour cette étude, nous avons sélectionné un échantillon de 153 communes réparties sur l’ensemble de la Région. Cet échantillon a été stratifié de la manière suivante :

 – 115 communes en Rhône-Alpes (13 dans l’Ain, 18 en Ardèche, 10 dans la Drôme, 28 en Isère, 6 dans la Loire, 14 dans le Rhône)

– 39 communes en Auvergne (15 dans l’Allier, 8 dans le Cantal, 12 dans le Puy-de-Dôme, 5 en Haute-Loire)

Ces communes ont été sélectionnées selon plusieurs critères. 

Nous avons d’abord inclus des communes recevant des subventions par habitant⸱e particulièrement élevées ou faibles pour comprendre les facteurs de ces décalages.

Nous avons également choisi les communes en fonction de leur taille. Les grandes communes ont été sélectionnées en raison de leur influence et de leur besoin de subventions pour des projets d’envergure, tandis que les petites communes ont été incluses pour évaluer si elles sont proportionnellement bien soutenues par rapport à leur population.

Enfin, nous avons sélectionné des communes historiquement favorisées et défavorisées pour comprendre l’évolution de leur soutien financier par la Région.

Privilèges des communes de droite : que dit l’étude? 

Les subventions désormais attribuées ne montrent pas toujours des écarts aussi flagrants qu’en début de mandat entre les villes de droite et de gauche. Pourtant, des analyses plus fines révèlent que certaines communes, bien que plus petites ou avec des besoins moindres, reçoivent des fonds disproportionnés par rapport à leur taille et à leur population tandis que d’autres sont particulièrement sous-dotées. 

Ainsi, nous constatons que les communes classées à droite continuent d’être généralement mieux loties. Nous pouvons par exemple noter la présence de sept communes de droite parmi les 10 communes les mieux subventionnées par le conseil régional contre seulement deux à gauche. 

À l’inverse, si l’on se fie au montant des subventions rapporté au nombre d’habitant⸱es, ce sont majoritairement des grandes villes de gauche qui reçoivent le moins de financement. C’est le cas de Grenoble (EELV) ou Clermont-Ferrand (PS) par exemple. Certaines villes ancrées à gauche depuis longtemps semblent totalement désintéresser la Région. C’est le cas de Vénissieux qui ne touche que 0,09 euro par habitant⸱e et de Villeurbanne qui n’a droit qu’à un petit centime de plus. A titre de comparaison, une ville comme Saint-Etienne (LR) qui compte 172 718 habitant⸱es contre 156 928 pour Villeurbanne (PS) touche 15 fois plus de subventions par habitant⸱e. Cela va dans le sens des révélations de Médiapart qui dévoilait des enregistrements montrant “qu’il y a des territoires, par rapport aux priorités que peut avoir la majorité, qui n’ont pas forcément vocation à être arrosés2.

Un rééquilibrage territorial à géométrie variable

Il y a des inégalités flagrantes de traitement entre les différentes communes. Laurent Wauquiez le justifie par une volonté de rééquilibrage territorial. Pourtant, cette politique ne peut, à elle seule, justifier certains écarts. S’il semble logique que les grandes villes aient une subvention rapportée au nombre d’habitant⸱es moins élevée qu’en milieu rural, certaines répartitions s’expliquent parfois difficilement. Comment peut-on justifier l’octroi de seulement 0,56 euro par habitant⸱e à Annemasse, ville moyenne de Haute-Savoie dirigée par la gauche mais une subvention pour Caluire-et-Cuire, ville de taille comparable se situant dans la métropole de Lyon et dirigée par Les Républicains, à hauteur de 5,77 euros par habitant⸱e ? 

Le rééquilibrage territorial a bon dos, puisque parmi les 10 communes à la densité de population la plus élevée, 5 obtiennent moins d’un euro par habitant⸱e, et parmi elles, 4 sont de gauche et une seule est de droite. Le rééquilibrage territorial justifie-t-il également de subventionner Montselgues, une ville de 85 habitant⸱es à hauteur de 250 000 euros, soit presque 3 000 euros par administré⸱e ? C’est pratiquement autant qu’une ville comme Villefranche qui  compte pourtant 35 913 habitant⸱es.

Comment expliquer aussi que la commune de Montluçon dirigée par Les Républicains avec ses 33 342 habitant⸱es puisse percevoir des subventions similaires à celle de Lyon, dépassant les 3 millions d’euros chacune pour un nombre d’habitant⸱es 15 fois plus élevé à Lyon. Dans la continuité de cette politique, la ville de Roanne (34 762 habitant⸱es), également dirigée par Les Républicains obtient 5 736 837 euros, soit presque autant que les villes de Lyon et Saint-Etienne réunies (694 968 habitant⸱es). Même s’il faut relativiser cette énorme somme (dont probablement un gros investissement de la Région sur la rénovation du centre administratif Paul Pillet3), cette ville du département de la Loire, dirigée par Yves Nicolin, proche de Laurent Wauquiez, est également la plus dotée en minibus (cf. chapitre…) !

Des subventions qui pourraient être mieux ciblées et plus pertinentes 

L’attribution des subventions régionales en Auvergne-Rhône-Alpes suscite des interrogations sur leur pertinence et leur ciblage. Par exemple, la commune de Courchevel a bénéficié d’environ 1 460 000 euros pour ses 2 311 habitantes, soit environ 632 euros par habitante. Une grande partie de cette somme, soit 1 399 769 euros, a été utilisée pour des aménagements divers dans le cadre des Championnats du monde de ski 2023. Cette allocation importante pour une commune déjà aisée, axée principalement sur un événement sportif, interroge sur l’équité de l’utilisation des fonds publics.

De même, en 2023, la Région a subventionné la ville de Chamonix (UDI) à hauteur de 342 553 euros, dont plus de 309 000 euros dédiés uniquement à la couverture de deux courts de tennis en terre battue. Ce choix de financement soulève des questions sur les priorités régionales, car ces fonds auraient pu être dédiés à des projets ayant un impact plus large et durable sur la communauté locale, notamment dans des domaines comme l’éducation, la santé ou d’autres infrastructures essentielles.

 Ces exemples montrent que certaines subventions régionales sont attribuées à des projets de prestige ou à des communes aisées, au détriment de projets potentiellement plus urgents ou bénéfiques pour des populations moins favorisées. Il est crucial de revoir les critères de distribution pour garantir une utilisation plus équitable et efficace des ressources publiques, en se concentrant sur les besoins réels des communautés plutôt que sur des projets de visibilité ou de confort pour des communes déjà bien pourvues.

Qu’en est-il du fief de Laurent Wauquiez et de celui de ses protégé⸱es ?

Notre analyse révèle des disparités notables dans l’allocation des fonds, notamment en ce qui concerne les ami⸱es politiques de Laurent Wauquiez. Ces observations soulèvent des questions sur l’impartialité dans la distribution des subventions.

La commune du Puy-en-Velay, “fief”de Laurent Wauquiez, où il est conseiller municipal, vice-président de la communauté d’agglomération, et de nouveau député, a reçu environ 2 millions d’euros de subventions régionales. En comparaison, la communauté de communes Vallées de Thônes, dirigée par un maire de gauche, a reçu près de 1 million d’euros, soit la moitié, malgré un nombre d’habitantes similaire (environ 18 600). Cette disparité suggère un traitement préférentiel en faveur du Puy-en-Velay, possiblement influencé par la présence de Laurent Wauquiez.

De même, la communauté d’agglomération du Puy-en-Velay a bénéficié d’environ 2,2 millions d’euros de subventions, tandis que la communauté de communes des Balcons du Dauphiné, dirigée par la gauche, n’a reçu que 811 576,55 euros bien qu’elles aient un nombre d’habitantes similaire (environ 80 000). La différence de subventions met en évidence une inégalité flagrante qui pourrait être liée à des considérations politiques. 

Il est à noter également que ce volume global de subventions constaté en 2023 pour cette ville et son agglomération est assez similaire à celui constaté en 2021 et 2022, comme une rente assurée ! Curieux avantage dont ne peuvent pas se prévaloir d’autres villes qui sont financées au gré de leurs demandes et en fonction des projets d’investissement qu’elles portent.

La ville de Grenoble, avec ses 157 477 habitantes a, quant à elle, bénéficié de 577 875,74 euros de subventions régionales. En comparaison, des communes beaucoup plus petites, comme Issoire (15 014 habitantes, LR), Romagnat (7 869 habitantes, DVD), Portes-lès-Valence (10 422 habitantes, DVD) et Bourg-lès-Valence (19 581 habitantes, LR), ont reçu des subventions similaires, entre 500 000 et 600 000 euros. Cette comparaison montre que ces petites communes reçoivent proportionnellement beaucoup plus de subventions, ce qui soulève des questions sur les critères d’attribution utilisés par la Région.

Ces exemples illustrent une tendance préoccupante : les subventions régionales semblent  favoriser  des collectivités dirigées par des élu⸱es politiquement proches de Laurent Wauquiez. 

Un favoritisme politique plus subtil mais toujours présent …

Sous l’administration de Laurent Wauquiez, l’attribution des subventions régionales en Auvergne-Rhône-Alpes révèle une dynamique subtile mais persistante de clientélisme. Si certains exemples de subventions généreuses accordées à des villes de gauche, telles qu’Aurillac et Montselgues, peuvent être cités pour montrer une apparente impartialité, la réalité est plus nuancée. La répartition des fonds montre une tendance à pénaliser les adversaires politiques, qu’ils soient de droite ou de gauche, lorsqu’ils s’opposent à Laurent Wauquiez.

Plusieurs villes de droite ou de centre-droit reçoivent des subventions étonnamment basses. L’Isles d’Abeau ne reçoit que 68 662,72 euros, soit 4 euros par habitante. Cette commune, malgré son affiliation politique supposément alignée, souffre de sous-financement, probablement en raison de l’accueil réservé par son maire à Bruno Bonnell, député macroniste et concurrent de Laurent Wauquiez lors des élections régionales de 2021.En conclusion, bien que les pratiques de favoritisme politique puissent être moins évidentes qu’auparavant, elles n’ont pas totalement disparu. L’allocation des subventions reste influencée par des considérations politiques, même si cela se manifeste de manière plus subtile. Cette persistance du clientélisme souligne la nécessité d’une vigilance continue et d’une transparence accrue dans la distribution des fonds publics par la Région.


1Données tirées du compte administratif de 2023, voté lors de l’assemblée plénière du 27 juin 2024

2Argent public : comment Laurent Wauquiez arrose les siens | Mediapart

https://mesinfos.fr/42300-roanne/roanne-les-orientations-budgetaires-prevoient-un-programme-d-investissements-de-25-m-187288.html

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