Laurent Wauquiez, champion olympique du déni climatique et démocratique

C’est une situation quasi inédite. La France va accueillir au cours de la même décennie deux olympiades, Paris 2024 et les Jeux olympiques d’hiver 2030 dans les Alpes françaises. Seuls les Etats-Unis avaient jusqu’alors réussi cet exploit. Si le bilan des Jeux de Paris sur le plan des médailles fait honneur à notre pays, nous ignorons encore quel poids financier pèse sur les finances publiques et l’argent du contribuable. Attribués le 24 juillet dernier, sous réserve de garanties financières qui, en théorie, ne peuvent être apportées que par un gouvernement qui n’est toujours pas nommé, l’attribution des Jeux olympiques d’hiver aux Alpes françaises résulte d’un tour de passe-passe démocratique et financier dont personne aujourd’hui ne mesure les conséquences.

Laurent Wauquiez et ses amis politiques ont su au fil du temps tisser des alliances et mettre au pas les réseaux économiques de la montagne, au profit de leurs propres ambitions politiques ; un récit à contre-courant des intérêts des contribuables et du sens de l’histoire.

Histoire d’une candidature expresse pour une désignation en toute opacité

C’est un document disponible sur le site du CIO qui date de janvier 20231, mais qui a été ratifié en décembre 2024 intitulé « Approche pour la désignation des hôtes olympiques ». Il décrit par le menu les modalités de dialogue ciblé qui prévalent à la désignation des hôtes olympiques, tirant partie des expériences engrangées au fil des candidatures : un découragement possible des villes candidates, des risques de réputation, des coûts de candidature qui amènent le CIO à revoir ses pratiques de désignation et à modifier ses priorités. Sur ce document, on peut lire que les Jeux olympiques doivent s’adapter à la ville, à la région et non l’inverse ; que les Jeux doivent être discutés dans une logique de bénéfices à long terme pour les populations locales, en utilisant au maximum les infrastructures existantes, dans une logique de réduction des coûts et de limitation de l’argent public. La nécessaire réactivité et flexibilité face aux enjeux mondiaux justifie un dialogue ciblé informel avec de potentiels hôtes, dans une logique de confidentialité. L’attribution des Jeux olympiques d’hiver 2030 à la France est le fruit de cette nouvelle doctrine. Laurent Wauquiez et Renaud Muselier, présidents des deux régions porteuses de la candidature des Alpes françaises (la Région Auvergne Rhône-Alpes et la Région Sud) vont réinterpréter la notion de confidentialité dans l’opacité la plus totale. Aucun document sur la candidature des Alpes françaises 2030 n’est à ce jour disponible sur le site de la bibliothèque olympique, alors que la candidature de Brisbane 2032 est déjà documentée2 .  

C’est en juillet 2023 que les deux régions annoncent par communiqué proposer une candidature commune aux JO 2030 dans les Alpes françaises3. Il y est question des mutations indispensables voulues par le CIO, des enjeux liés à la préservation de la biodiversité et du réchauffement climatique, de la nécessité d’utiliser les infrastructures existantes, de la réduction indispensable des coûts d’organisation et d’un financement essentiellement lié à des recettes privées. Tout y est ! Mais sous les belles promesses se cache une réalité plus nuancée.

Le 7 novembre 2023, le Comité national olympique et sportif (CNOSF) dépose au Comité international olympique (CIO) le dossier de candidature des deux régions françaises, un dossier pourtant monté à la hâte au cours de l’été précédent. Pour entériner cette proposition, Laurent Wauquiez soumet le 20 octobre à l’assemblée plénière de la Région Auvergne-Rhône-Alpes une délibération pour le moins laconique. Elle tient en une page4 et approuve le principe d’une candidature des Alpes françaises pour les Jeux olympiques et paralympiques (JOP) d’hiver 2030. Cette délibération et le rapport attenant ne contiennent aucune information sur les coûts, la répartition des coûts, les sites de compétition, ni la durabilité supposée de ces jeux. Seuls le groupe des écologistes ainsi que les élus insoumis voteront contre ce rapport. La délibération prévoyait d’informer les élus à chaque assemblée plénière pendant la totalité du processus de la constitution de la candidature. Aucune information n’aura été communiquée depuis. Il est prévu de constituer une commission spéciale rassemblant les commissions concernées pour travailler ensemble à l’élaboration d’une telle candidature. Une dix-neuvième commission est créée à partir de janvier mais il s’agit uniquement d’une commission d’informations, qui va se réunir quatre fois entre janvier et juin 2024. Seules des informations pour l’essentiel déjà dévoilées dans la presse seront dispensées. C’est Antoine Dénériaz, conseiller régional, ex-champion olympique, fondateur de la marque de ski éponyme, qui la préside.

Quoi qu’il en soit, la quasi-désignation des Alpes françaises comme site hôte des JOP d’hiver 2030 est actée dès le 29 novembre 2023. Le CIO a entériné la candidature de la France et rejeté les candidatures de la Suisse et de la Suède qui se préparaient pourtant depuis longtemps. Alors pourquoi un tel succès ? « La France a une longue tradition des sports d’hiver et d’organisation de grands événements de sports d’hiver », a fait valoir entre autres Karl Stoss, le président autrichien de la commission du futur hôte, pour justifier le choix du CIO. David Lappartient est aussi un formidable soutien de la candidature. Président Les Républicains du conseil départemental du Morbihan, il connaît bien les deux présidents de région. Il est devenu président du CNOSF depuis 2023, il est membre du CIO depuis 2022. L’Express le qualifiait le 24 juillet de « français le plus puissant du sport mondial ». Président de la Fédération internationale de cyclisme, c’est à lui que l’on doit le succès d’une autre candidature expresse : l’organisation des Championnats du monde de cyclisme en 2027 en Haute-Savoie chez un autre ami de la famille politique : Martial Saddier, Président du Département de la Haute-Savoie. David Lappartient a tout intérêt à faire briller le sport français au plan international, s’il veut un jour briguer la Présidence du CIO ; qui pourrait lui en vouloir ? … Peut-être les Français ou les résidents des deux régions car, à cette heure, personne ne sait encore qui paiera les JO 2030. 

Durant cette période, quelques sites pressentis sont contactés dans les deux régions pour organiser les Jeux. Le 14 mars dernier, Gilles Chabert, le “monsieur montagne” de Wauquiez, évoquera en commission organique de la Région Auvergne Rhône-Alpes qu’il est encore trop tôt pour communiquer une liste d’infrastructures à construire, à réhabiliter, et que les informations remonteront en temps et en heure. La presse dévoile l’architecture des futurs sites, à l’occasion de la visite du CIO du 21 au 26 avril, et une estimation du budget de 2 Milliards d’€ ; à cette heure, nous ne savons encore pas qui paiera quoi. Les relations avec les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), en charge du transports, de l’accueil touristique sont encore au point mort et personne n’est à ce jour en mesure de dire qui paiera l’addition et pourquoi. 

A quoi bon s’encombrer de processus démocratique ? 

 « Le soutien populaire autour des Jeux est incroyablement fort en France », s’est enthousiasmé Christophe Dubi, directeur exécutif des Jeux olympiques au CIO, avançant le chiffre de 68 % d’opinions favorables en France, selon un sondage de septembre commandé par Lausanne. « J’ai rarement vu un soutien comme celui-ci », a-t-il ajouté, faisant alors référence aux études d’opinion sur Paris 2024, dont les résultats se montrent pourtant bien plus contrastés5. Renaud Muselier, président de la Région Sud se vantait à l’automne dernier de l’opinion publique acquise à l’idée de l’organisation de jeux olympiques durables. Qui pourrait en douter si tant est que des Jeux olympiques durables soient possibles ? Même le Figaro, dont les lecteurs sont d’habitude acquis aux grands événements sportifs, semble afficher un désintérêt pour la perspective de JO d’hiver dans les Alpes en 2030. Le 30 novembre dernier, 60,72% des lecteurs du Figaro se déclaraient opposés à l’accueil des Jeux olympiques d’hiver 2030 dans les Alpes françaises. Plus récemment, 89% des lecteurs d’Alpine Magazine se déclaraient contre l’organisation des Jeux olympiques en France en 2030. Laurent Wauquiez ne s’en soucie guère. Il va même s’employer à tuer dans l’œuf toute forme de contestation, voire de bonification du dossier de candidature. C’est le cluster Outdoor Sport Valley (OSV) qui va en faire les frais le premier. Ce groupement de 300 entreprises pour 200 marques dont quelques poids lourds comme Rossignol, Salomon, Millet avait rejoint un collectif d’ONG qui réclamait des contributions environnementales pour les Jeux olympiques et paralympiques d’hiver 2030. Le 18 décembre 2023, son Président reçoit un courrier de Stéphanie Pernod, vice-présidente de la Région, lui annonçant le retrait de l’aide financière de la Région de 640 000 €, regrettant de ne pas avoir été informée préalablement du positionnement de l’association sur la compatibilité de ces JO avec les limites planétaires. Cédric Georges, président d’OSV, s’est finalement ravisé et a fait part de son soutien plein et entier à ces JO, regrettant la récupération politique de la tribune qu’il avait lui-même signée. L’anicroche se soldera par la création d’un comité consultatif pour faire des jeux les plus durables possibles ; un comité présidé là aussi par Antoine Dénériaz. A ce jour, ce comité n’a toujours pas vu le jour. Le même annoncera en mars dernier, lors de la commission régionale Jeux olympiques de la Région, que l’association de portage de la candidature ne sera pas créée pour des raisons de coût et de temps et qu’un comité d’organisation olympique sera désigné quand la France sera officiellement désignée en tant que pays organisateur de l’événement. 

Cette absence de personnalité juridique pour représenter les maîtres d’ouvrage bloque toute forme de concertation, voire de recours. Pourtant, les droits à l’information et à la participation ont été consacrés dans la Constitution française en 2005, à l’article 7 de la Charte de l’environnement :

« Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement »

Depuis l’automne 2023, de nombreuses voix se font entendre dans la société civile et les parlementaires pour réclamer un référendum. Si les citoyens, associations, élus bénéficient d’un droit d’initiative pour saisir la Commission nationale du débat public (CNDP), faut-il encore respecter le cadre légal. Dix parlementaires de la France insoumise ont saisi la CNDP en mai dernier au titre de l’article L121-8 du Code de l’environnement. Ils ont été déboutés : pas de maîtres d’ouvrage connus, pas de connaissances de la répartition des 2 milliards estimés de budget sur de multiples projets,  les conditions pour que la CNDP réponde favorablement à cette demande ne sont pas réunies. Quant à l’organisation d’un référendum, qui oserait encore s’y frotter ? La Suède et la Suisse qui entendaient consulter leur population ont été éliminées en phase finale de candidature. Il faut dire que toutes les organisations candidates qui ont fait le pari de consulter leur population ont toutes essuyé un refus : les JO, plus personne n’en veut. Le CIO lui continue son business, sous une forme de contrat léonin avec les pays hôtes. La France, sixième puissance mondiale, se voit dicter la loi par une ONG internationale à travers le Contrat d’hôte et les Lois Olympiques.

La Commission d’évaluation indépendante pour la cohérence, la transparence et les impacts des grands événements sportifs internationaux réunit des juristes, avocats, spécialistes de l’économie des politiques publiques et de l’évaluation de l’engagement des fonds publics, et s’est penchée sur les enjeux juridiques et financiers de cette candidature. 

Faut-il rappeler que les JOP 2030 ont été attribués, en l’absence d’un premier ministre, seul habilité à signer les garanties que doit apporter l’Etat au CIO. Gabriel Attal, fort mari de la dissolution, a préféré laisser la signature à son successeur, ne souhaitant pas être associé à ce qui est promis comme une gabegie financière par Bercy6. Laurent Wauquiez, nouvellement désigné président de la Droite républicaine, en a-t-il fait un des éléments de son pacte législatif pour garantir à Emmanuel Macron la majorité dont il ne dispose plus à l’Assemblée nationale ? Les Jeux olympiques dans les Alpes françaises ne peuvent se faire sans un accord au plus haut sommet de l’Etat, quel que soit le montant de l’addition. 

À l’heure où la France vient d’être épinglée par l’Union européenne pour déficit public excessif, ce nouvel engagement à plus de 2 Mds dans des olympiades ne semble choquer personne, ni au plus haut sommet de l’Etat, ni de la part du président de « la Région la mieux gérée de France ». A l’heure où les garanties de l’Etat n’ont pas été encore apportées, on pourrait espérer que les déficits publics induits puissent être comblés soit par le CIO, soit par les partenaires privés. Les espoirs à nourrir sont très minces et ce, pour plusieurs raisons : L’attribution des JOP 2030 d’hiver à la France sous conditions semble néanmoins avoir été actée après la signature par le CNOSF du contrat d’hôte. On pourra s’interroger sur la compétence de cette organisation à signer un contrat qui engage des milliards d’argent public. Le contrat hôte olympique doit être approuvé sans réserve ni modification, et les lois olympiques n’en seront que la traduction opérationnelle. Ces lois ont une valeur réglementaire; dès lors comment les contester ?

Laurent Wauquiez et Renaud Muselier ont peut-être donné un blanc-seing à David Lappartient pour signer ce contrat hôte, mais les régions ne peuvent co-signer un contrat contenant une clause compromissoire, au titre de l’article 2060 du Code civil7. La clause compromissoire est une convention d’arbitrage par laquelle les parties acceptent, d’un commun accord et avant tout conflit, de recourir à l’arbitrage pour régler leurs litiges futurs. Cet aspect juridique est une des atteintes graves au cadre légal de ces jeux olympiques.

Des Jeux sobres, mais pour qui ? 

Laurent Wauquiez s’arrange avec les promesses non tenues et les éléments de langage ont du mal à résister à l’épreuve des faits. Rappelez-vous « Des jeux sobres » avait-il promis, en cohérence avec les principes olympiques actés par le CIO dans le processus de désignation des organisations candidates. On pourrait croire que la promesse est tenue si l’on en juge le rapport de la commission du futur hôte disponible sur le site de la bibliothèque olympique8. Mais le budget semble tellement sous-évalué que l’Etat se ferait tirer l’oreille pour garantir des dépenses évaluées au doigt mouillé :

  • 319 M€ pour l’infrastructure des sites, quand on sait que les aménagements autour du tremplin de saut à ski à Courchevel sont estimés à eux seuls à 20 M€ et la rénovation de la piste de bobsleigh entre 15 et 18 millions € pour moins de 500 licenciés en France9 .
  • 73,686 M€ pour les cérémonies, alors que le seul coût de la cérémonie d’ouverture des JO de Paris est estimé à 120 M€. Qu’en sera-t-il pour une cérémonie qui pourrait se dérouler sur plusieurs sites olympiques ? Quelle prise en compte de l’inflation quand on voit celle subie par les Français depuis 5 ans ? 

Le budget à hauteur de 1, 985 Md € ne tient compte que des équipements olympiques. Ceux fléchés à destination des ouvrages non sportifs (infrastructures de transport etc.), à la mise à disposition des personnels, aux frais de sécurité, outre les subventions publiques aux infrastructures utilisées pour les JOP 2030 (canons neige, retenus collinaires, remontées mécaniques etc.), ne sont pas intégrés dans cette enveloppe.

La Région Auvergne Rhône-Alpes a déjà fait la preuve de ses largesses pour les sports d’hiver et les grands événements sportifs : à titre d’exemple, 15 M€ pour la Coupe du monde de ski de Courchevel-Méribel en 2023 ou encore 500 K€ pour le stade de biathlon au Grand-Bornand en 2019. Mais comment vont se répartir les frais et au détriment de quoi ? Si Salt Lake City, d’ores et déjà désignée pour organiser les Jeux en 2034, aura le temps d’adapter ses infrastructures de transport, il n’y a aucune chance pour que nos deux régions voient une évolution positive dans les infrastructures ferroviaires. D’ailleurs rien n’est prévu pour la desserte des vallées alpines dans le Contrat plan Etat Région Mobilités ( CPER) qui unit la Région Auvergne-Rhône-Alpes à l’Etat. On continuera à rallier Briançon à Courchevel en 8H25 à vélo contre 9H40 en train10

Les Jeux seront aussi sobres en matière de logements. Pas un logement social ne sera construit en Haute-Savoie pour accueillir les délégations. En 1992, Albertville avait certes mis la main au porte-monnaie, avait vu sa fiscalité exploser et aura mis 20 ans à rembourser sa dette (un déficit de 42,5 millions d’euros sur un budget de 1,83 milliard d’euros). Mais les Jeux olympiques avaient permis de doubler le nombre de logements sociaux sur le territoire, de rénover un hôpital et d’en construire un autre, de rénover les réseaux d’adduction d’eau et d’assainissement collectif. On peine à voir les bénéfices des futurs JOP pour les populations locales. Les collectivités territoriales auront-elles la possibilité de se soustraire à leurs obligations en matière d’accueil et d’investissements ? Rien n’est moins sûr. La course aux subventions des collectivités locales, dans un contexte budgétaire tendu, laisse peu de marges de manœuvre ; à moins d’accepter que les projets structurants portés par ces mêmes collectivités soient remisés, faute d’un soutien des actuels présidents de Région. Le temps des Jeux olympiques comme événements structurants du territoire est révolu. Passés de 35 épreuves en 1968 à Grenoble, à 57 épreuves à Albertville en 1992 et bientôt 116 en 2026 à Cortina, les Jeux olympiques sont avant tout le lieu d’un spectacle mondial vendu à grand renfort de publicité et de droits télé pour le plus grand bénéfice des sponsors. 

Des jeux vertueux vraiment ?

Les rapports se succèdent et rabâchent inlassablement les mêmes constats. Le dérèglement climatique est bien plus rapide dans les Alpes où les températures ont déjà grimpé de +2°C depuis le début de l’ère industrielle. 93% des stations françaises sont menacées par le dérèglement climatique et l’enneigement artificiel ne résoudrait que partiellement le problème. Laurent Wauquiez a pourtant décidé d’y consacrer énormément d’argent public. La chambre régionale des comptes Auvergne-Rhône-Alpes s’en fait l’écho dans son rapport intitulé “les acteurs publics locaux du tourisme face au changement climatique”11 : « Le plan montagne (86,6 M€ d’engagements sur la période 2016-2021) est construit autour de la logique de sécurisation de l’enneigement des stations (49,8 M€), ne laissant qu’une place marginale aux investissements liés à la diversification des activités touristiques (4,5 M€) ». Les aides aux petites stations ne représentent que 5% des financements publics et seulement 8% des stations concernées. Au total, les JO 2030 ne pourraient contribuer qu’à arroser là où l’herbe est déjà enneigée : 1% du territoire, des grosses stations qui ont déjà l’habitude de recevoir beaucoup d’argent public, pour une clientèle internationale de plus en plus aisée : un impact quasi nul, voire négatif pour le territoire. 

L’organisation des JO aurait pu être l’occasion de questionner les modalités d’organisation des grands événements sportifs et les habitudes de la clientèle aisée des stations de sport d’hiver. Pendant l’hiver, toutes les 6 minutes, un avion atterrit à Chambéry en provenance de l’Angleterre, générant 80% des émissions de gaz à effet de serre de cette clientèle. L’utilisation de l’avion pour les entraînements des compétiteurs aurait pu, à titre d’exemple, être également une manière de questionner l’équité entre toutes les équipes et de faire évoluer le cahier des charges du CIO pour s’adapter à des enjeux stratégiques mondiaux. Il n’en n’est rien. L’opportunité de réutiliser les équipements existants semble être un pas indispensable, en termes d’éco-responsabilité. Mais la mise aux normes continue de pérenniser des éléphants blancs dont les coûts d’entretien sont parfois devenus insupportables pour les collectivités locales. Ce fût le cas pour le tremplin de Saint-Nizier-du-Moucherotte au-dessus de Grenoble : 280 000 m3 de béton coulé dans la montagne pour être utilisés moins de 10 fois. 

Comme le rappelle Mael Buisson dans la revue Horizons publics de janvier dernier12 « On sait depuis 40 ans que ces événements ne sont pas rentables économiquement, ils doivent donc s’inscrire au services d’autres finalités ; La question est : lesquelles ? Est-ce pour amplifier une politique en faveur du BTP, ou au contraire pour favoriser l’accès à la montagne , aux pratiques sportives, … ?» . Avec un soutien au plus haut niveau de l’Etat, Laurent Wauquiez et ses amis politiques ont fait le choix : servir leur propre carrière, s’obstiner et continuer la fuite en avant le plus longtemps possible dans un monde à +4°C, pour nourrir les milieux d’affaires qui leur sont acquis, pour une pratique du sport d’hiver de moins en moins populaire et de plus en plus coûteuse, à grand renfort d’argent public et au mépris de nos règles républicaines et de nos principes démocratiques. Reste à faire vivre nos imaginaires pour réapprendre à aimer la montagne pour ce qu’elle est : un espace naturel fantastique avec de la neige pour glisser, mais pas partout et pas tout le temps, un espace qu’il convient de protéger face aux risques d’une mono-activité et d’un environnement devenus si fragiles. 


1https://stillmed.olympics.com/media/Documents/Olympic-Games/Future-Host/Approach-to-Olympic-host-elections.pdf

2https://library.olympics.com/default/candidatures.aspx?_lg=fr-FR#hiver

https://www.lemonde.fr/sport/article/2023/07/18/jo-d-hiver-2030-les-regions-auvergne-rhone-alpes-et-paca-proposent-une-candidature-commune_6182540_3242.html

4https://edelib.auvergnerhonealpes.fr/webdelibplus/jsp/showFile.jsp?datePub=10/11/2023&dateRetLega=10/11/2023&pdf=0cBwlciopEGtjBusVJX4%2F4jb6AOKFJ94tta2qSUXnb5%2FpmMXYOIgYXzB7Tin1CJQDod8CVKjOOVR3RAbKs%2Bm0OtmgiV1fQMKgcnnQAYMKBKxG%2BOuXYpmfYw2HzKBdwmQvvikAgj7owrVfuUPJn1kUpqzrjBjrNNI

5Source : Le Monde – 29 novembre 2023

6https://rmcsport.bfmtv.com/jeux-olympiques/jo-d-hiver-2030-pourquoi-gabriel-attal-n-a-pas-signe-la-garantie-de-l-etat_AV-202407230516.html

7https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006445694/

8https://vu.fr/VJcXG

9https://c.ledauphine.com/skichrono/2024/04/23/jo-2030-comment-les-equipements-de-1992-seront-renoves

10https://buzzles.org/2024/01/31/jo-2030-comment-transporter-deux-millions-de-visiteurs-a-travers-les-alpes/

11https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2024-02/ARA202382.pdf

12Horizons Publics – Janv/février 2024 – Jeux olympiques et paralympiques 2024 : Gagner mais pourquoi faire ?

1 réflexion sur “Laurent Wauquiez, champion olympique du déni climatique et démocratique”

  1. LARAT Delphine

    Merci pour cet article très éclairant et très bien étayé. Une petite précision : l’inflation a bien été prise en compte dans le budget du COJOP 2030, puisque 99 millions € sont provisionnés à ce titre, outre 29 millions de provision pour pertes de taux de change (source rapport de la commission de futur hôte du CIO, pages 81 et suivantes). Ces deniers publics, bloqués pour provisionner des non dépenses, ne seraient-ils pas mieux employés à financer des infrastructures publiques ou pour le public ?
    Par ailleurs, les financements du CIO et des sponsors historiques du CIO, ne le sont en réalité pas. Il s’agit d’estimation de rétrocession des droits obtenus par le CIO sur les contrats de retransmission TV et de sponsorship avec les partenaires. Ces estimations, ainsi qu’il est mentionné dans le contrat d’hôte, peuvent être revues à la baisse (et à la hausse) de manière unilatérale par le CIO, et ne constituant pas des sommes contractuellement validées, en cas de problèmes sur l’équilibre du budget, seule la responsabilité des régions et du CNOSF pourront être engagées. On peut donc définir le modèle olympique comme une main-mise totale du CIO qui impose sa loi (et la retranscription de sa loi dans le droit interne, ce qui est plus questionnable), et qui n’assume aucune responsabilité des actes qu’il contraint.

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