La drogue est un fléau. C’est sûr !
On connaît le danger de l’addiction, les dégâts pour la santé, pour l’entourage, le coût pour la société.
On sait également les trafics qui pourrissent la vie dans de trop nombreux quartiers, l’économie souterraine qu’ils génèrent, les règlements de compte et les meurtres qui s’ensuivent. Les politiques capitalistes injustes ne sont pas étrangères au développement de ce fléau.
Et comme un enfant devant son Kinder surprise, vous vous réjouissez de votre nouveau gadget, clinquant en apparence, babiole en réalité : le déploiement des brigades cynophiles dans les lycées.
Vous avancez des chiffres pour vous justifier. Vous signalez, je cite, « une augmentation significative du trafic de stupéfiants (+14 %) et de leur usage (+9%) entre juin 2024 et juin 2025 ». Et vous vous gardez bien de préciser la source de ces données.
Je me réfère pour ma part à l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives, qui publie en septembre 2025 des éléments précis à propos des jeunes européens et européennes de 16 ans.
En France :
- le tabagisme quotidien est passé de 16 % en 2015 à 3,1 % en 2024,
- les niveaux d’usage du cannabis ont connu une évolution semblable, passant de 17 % à 4,3 %,
- des prévalences d’alcoolisations ponctuelles restent importantes, supérieures à 30 % dans près de la moitié des pays, et de 22 % en France.
Ces éléments montrent clairement que la tendance de la consommation de stupéfiants est en baisse chez les lycéens et lycéennes.
Faut-il pour autant s’engager dans une politique uniquement répressive ? Certainement pas !
Vous rappelez vos choix :
– vous avez déjà mis en place les caméras de surveillance,
– vous avez installé des portiques de contrôle, d’accès et de filtrage,
– vous avez expérimenté les scanners corporels.
Au passage, vous avez omis l’expérimentation ratée de l’uniforme.
On pouvait espérer qu’après cette débauche de technologies, vous alliez enfin ajouter de l’humain. Encore raté ! Vous faites appel à des chiens…
Donc en plus de surveiller, contrôler, filtrer, uniformiser et scanner, vous voulez renifler les jeunes scolarisés dans des lycées de la Région.
Tous ces dispositifs laissent penser aux jeunes qu’ils sont potentiellement en danger quand ils entrent au lycée. Et surtout ils leur laissent penser qu’ils sont potentiellement des dangers pour les autres. C’est une façon de monter les individus les uns contre les autres. Plutôt que de tisser du lien, on exacerbe les tensions.
La sécurité ne naît pas du contrôle exercé. La sécurité naît du contrat social, du lien établi entre les personnes qui fréquentent le même lieu, un lien de confiance, un lien qui responsabilise. Vérifier sans cesse, scruter chaque geste, observer le fond de chaque sac peut se révéler contre-productif.
On va me rétorquer que lorsqu’on n’a rien à se reprocher on ne craint pas les contrôles. Mais ces contrôles pèsent sur l’atmosphère des établissements, ils ne construisent pas une société bienveillante puisque chacune et chacun est suspecté a priori de fraude.
Pourtant construire du lien c’est réellement agir à la racine de la violence, c’est lutter contre l’insécurité, pas avec peur mais avec humanité, exigence et bienveillance. En toute responsabilité ! C’est ça faire société.
Les décideurs politiques qui, comme vous, imaginent et financent ces dispositifs de surveillance, donnent de la jeunesse une image de tricheurs et de délinquants. Une image que vous leur renvoyez à chaque franchissement de tourniquets, une image qui leur revient quand ils évoluent sous les caméras, une image qui leur collera à la peau quand ils seront reniflés par les chiens policiers.
Vous vous imaginez en héros porteur d’une vérité morale supérieure et vous commettez une faute éthique : vous faites des lycées un terrain d’expérimentation, et des élèves des cobayes ! Vous faites porter sur les jeunes, en pleine construction de leur personnalité, votre propre phobie du moindre désordre, sous couvert d’assurer leur protection.
Ce faisant, vous oubliez que l’usage de drogue témoigne d’un mal-être qui pousse à se réfugier dans des sensations fortes, à croire qu’on échappera plus facilement à sa réalité ou qu’on supportera mieux ses problèmes.
De nombreux adolescents et adolescentes vont mal ! La consommation de stupéfiants en est une conséquence.
Et vous, que leur proposez-vous ? Jamais d’accompagnement ! Jamais de prévention ! Jamais de moyens humains ! Vous choisissez la répression, l’intrusion, plutôt que l’éducation, le soin, le lien.
Les dotations en fonctionnement et en investissement pour les lycées publics sont tellement insuffisantes que des projets pédagogiques sont annulés. Vous contribuez à dégrader le climat scolaire.
Votre réponse à notre question de l’Assemblée Plénière d’octobre 2024, à propos du bilan de l’action régionale en faveur de la santé mentale des jeunes et des mesures prévues pour la mise en place d’un plan d’urgence sur le sujet, n’est pas à la hauteur des besoins et des enjeux.
Alors plutôt que ce texte, vous pourriez adresser au gouvernement un vœu pour que le programme pluriannuel, « santé mentale et psychiatrie » 2025-2030, adopté par la Haute Autorité de Santé, soit largement et efficacement déployé.
Vous pourriez interpeler vos parlementaires pour qu’ils arrêtent de voter des budgets qui suppriment des postes d’infirmiers, de psychologues, de médecins scolaires, des assistants d’éducation, des lits en psychiatrie…
Avec l’intervention des brigades cynophiles dans les établissements, vous cherchez davantage à paraître pour ce que vous n’êtes pas, qu’à protéger les lycéens et lycéennes de l’usage de drogue. Vous clamez haut et fort que la sécurité est la première des libertés et vous enfermez les jeunes dans des lycées forteresses. Quelle bienveillance ! Vous allez communiquer au-delà d’Auvergne Rhône Alpes sur votre soi-disant action en faveur de leur sécurité alors que vous présentez un petit vœu à l’Etat.
Nous voterons contre ce rapport. Ce n’est pas avec les chiens policiers que les jeunes vont tisser des liens robustes !