Monsieur le président, cher.es collègues,
Rarement nous n’aurons eu délibération aussi vide, aussi inutile, aussi idéologique. Aucune vision et ambition de votre exécutif en matière de mobilité. Juste de quoi alimenter un pré-congrès LR auquel nous n’avons pas à assister ici.
Alors que la loi de finances 2025 offre aux régions la possibilité d’instaurer cette taxe sur les entreprises de plus de 11 salariés, modulable jusqu’à 0,15% de la masse salariale, l’exécutif régional a choisi de s’en priver. Cette décision est d’autant plus incompréhensible qu’elle prive notre région d’une source de financement essentielle pour le développement des transports.
Revenons en arrière.
Depuis le début du mandat, le vice-président Aguilera ne cesse de dénoncer une absurdité en termes de mobilités : l’absence de fiscalité propre pour les régions pourtant autorités organisatrices de mobilités, à l’exception de l’Ile-de-France.
Fort de ce discours, à l’occasion de la loi de finances 2025, M. Sautarel, tout autant sénateur que conseiller régional, qui a participé aux dernières discussions parlementaires, soulignait même que ce dispositif répond à une demande des employeurs pour améliorer les conditions de travail des salariés. Et l’on ne peut pas reprocher au sénateur, de méconnaître les questions de modèle économique du ferroviaire en France.
Lors de la commission transport, le vice-président nous annonçait, presque soulagé, que le versement mobilité régional était inscrit dans la loi de finances, permettant ainsi désormais l’apport de cette ressource nouvelle.
Mais revirement de situation quelques jours après, avec une communication de la Région annonçant ne pas vouloir prélever le VM pour ne pas taxer plus les entreprises. Une décision unilatérale car ainsi est la démocratie de cette région. De là, il fallait bien trouver des explications acceptables côté transport :
- Il y a d’abord eu l’argument prétendant que cela ne serait pas grand-chose : c’est tout de même entre 60 et 80 millions d’euros, soit près de 35% de la dépense annuelle annoncée en investissement pour la feuille de route mobilités 2035. Se priver de 35% de recettes, que vous choisissez pourtant allégrement de dépenser sur le routier, c’est tout de même cocasse.
– Puis il y a eu, plus récemment, l’argument d’une nécessaire remise à plat de tout le système de financement des mobilités avec la très attendue conférence de financement enfin annoncée pour mai 2025.
– Alors oui, c’est une nécessité d’avoir une approche complète, mais est-ce bien raisonnable de ne rien faire. Est-ce bien raisonnable d’acter encore un peu plus votre immobilisme en matière de transports publics. Car la commande de 10 rames de train soumise au vote ce matin viendra tout juste sauver le mandat d’une zone totalement blanche d’achat de nouvelles rames.
Votre refus de mettre en œuvre ce versement mobilité est une occasion manquée de résorber les fractures territoriales. Des projets de réouverture de lignes ferroviaires, comme Thiers-Boën ou la ligne en rive droite du Rhône, ou le maintien de lignes existantes, nécessitent des financements que ce dispositif aurait pu fournir. Dans les zones urbaines et périurbaines, le déploiement des services express régionaux métropolitains (SERM) nécessite des fonds importants, qui auraient pu être partiellement financés par ce versement.
Au contraire, vous proposez même qu’une part soit ponctionnée dans le versement mobilités des autres autorités organisatrices des mobilités. Alors que les SERM sont un enjeu essentiel vous voulez réduire les ressources financières pour les réaliser ? Votre absence d’ambition en matière de transports publics est décidément mal masquée par votre seul plan de communication. Vos actes vous trahissent.
Il est impensable, dans un souci d’égalité, de refuser des recettes qui bénéficieraient à l’ensemble des habitants de notre région. De recettes, vous ne vous en privez pas totalement !
Faut-il rappeler qu’au contraire, ces dernières années :
– vous avez choisi d’augmenter les tarifs des transports en commun,
– vous avez choisi comme modalités d’harmonisation des transports scolaires de sortir de la gratuité.
Vous dites ne pas vouloir plus faire peser sur la situation économique des entreprises, mais asphyxier un peu plus directement les habitants et habitantes de notre région ne vous gène pas.
Cette taxe serait “indécente” dans le contexte économique actuel, dîtes-vous
Ce qui est indécent c’est d’arriver 3 jours sur 5 en retard à son travail à cause des trains bondés dans lesquels on n’a pas pu entrer.
Ce qui est indécent, c’est de refuser un emploi parce que les horaires de train sont insuffisants et qu’il n’est pas abordable de faire le trajet en voiture, ou juste impossible pour certains.
Ce qui est indécent, c’est de se faire renvoyer à la fin de sa période d’essai parce que les arrivées sont trop aléatoires.
Ce qui est indécent, c’est de priver des personnes d’emplois et de priver les entreprises de personnes compétentes, qualifiées, motivées.
Les chefs d’entreprises eux-mêmes sont prêts à financer ce dispositif, car ils veulent garantir leurs emplois et ont besoin pour cela aussi de transports publics fiables et accessibles.
En région Grand-Est, le président, pourtant LR également, a souligné que le dialogue avec les entreprises sur le montant de cette taxe était possible car le monde économique de sa région est suffisamment éloigné des influences nationales.
Ouvrez le dialogue avec le monde économique de notre région plutôt que de céder à une injonction nationale qui sert un récit démagogique.
Enfin, je le redis, pour atteindre nos objectifs en matière de transition écologique, nous devons rendre les transports en commun plus accessibles. Le ferroviaire a la plus forte utilité sociale pour le moins de nuisances globales. Et il ne peut y avoir de politique de réduction des GES sans développement du ferroviaire.
Le contexte économique actuel nous appelle à préserver et à renforcer l’accès aux services publics, l’accès aux entreprises, l’accès à l’emploi sur tous les territoires. En bloquant cette nouvelle source de financement, vous refusez de développer une alternative au tout-voiture individuelle, compromettant ainsi la transition écologique, la vitalité économique, la justice sociale et l’équité territoriale.
Pour terminer, si vous souhaitez que ce débat soit véritablement utile aux transports publics, je vous invite, M. le Président, à retirer cette délibération, non seulement inutile mais dont le deuxième point est tout bonnement une instrumentalisation de notre assemblée.
Et si vous ne la retirez pas, je vous invite, chers collègues, même à droite, à vous abstenir a minima si le contre vous est interdit, car nous en sommes malheureusement là. Ne vous laissez pas instrumentaliser de la sorte. Nous ne sommes pas ici pour préparer un quelconque congrès politique. Ce n’est pas notre mandat, n’en déplaise à certains.
Retrouvez un peu de liberté d’esprit et d’esprit critique. Nous ne sommes pas un théâtre de marionnettes. En tout cas, pas nous. Nous sommes ici pour engager des politiques régionales utiles, utiles aux habitantes et habitants de la région, utiles aux entreprises, utiles à l’habitabilité de notre planète, et cela passe par des transports publics accessibles, efficaces et durables.