Monsieur le président, cher.es collègues,
Les zones de montagne ne sont pas des territoires comme les autres tant en termes de richesses que de défis.
Les montagnes sont riches de leur biodiversité, de leurs ressources naturelles (dont dépendent d’ailleurs les autres territoires). Elles sont riches de leurs écosystèmes sensibles, de leurs cultures, de leurs économies variées …
Les montagnes font face à des défis majeurs, à commencer par celui du changement climatique qui est deux fois plus rapide dans les Alpes que partout ailleurs. Pression touristique, perte de population, vulnérabilité accrue des territoires face aux risques naturels qui s’accentuent, impacts sur les écosystèmes, sur le tourisme, l’agriculture, raréfaction de la ressource en eau …C’est l’habitabilité même des montagnes qui est remise en question si nous ne changeons pas de vision.
Plusieurs politiques européennes existent comme la Politique agricole commune (PAC), la Politique de cohésion, les programmes sectoriels mais les lacunes sont nombreuses. Cela tient au manque de coordination et de lisibilité des politiques publiques entre les différents échelons (Etat, Région, Europe), à la complexité administrative pour bénéficier des financements, cela ne peut d’ailleurs qu’engendrer des inégalités entre les territoires !
Mais, si nous partageons les grandes déclarations d’intention de ce Pacte, nous ne pouvons qu’être méfiants sur les moyens qui seraient alloués ; ils n’auront de sens que s’ils sont à la hauteur des défis que je viens de citer ! Et voyez-vous, nous sommes habitués aux grandes messes qui abordent les grands enjeux sans toutefois se donner les moyens d’agir et sans résultats (confère les Conférences des Nations pour le Climat qui s’enchaînent) !
Permettez-nous de douter du caractère novateur de votre Pacte et de ses chances d’aboutir. De précédentes annonces ont déjà été formulées pour reconnaître la nécessité de mieux intégrer les spécificités des zones de montagnes dans les politiques publiques et les modes de financements européens à commencer par les associations dédiées au développement de ces territoires ; le Parlement européen, au moment de l’adoption du rapport pour une vision à long terme pour les zones rurales (avec la création d’un Pacte rural et d’un Observatoire rural).
Vous voulez des moyens dédiés aux zones de montagne mais pour quelle vision de l’avenir de la montagne ?
Une montagne optimisée, dont les ressources seront toujours exploitées au profit de l’industrie du ski, une montagne parc de loisirs, privatisée pour les riches qui pourront s’y réfugier, où les stations de moyenne montagne seront toujours plus fragilisées et où la croyance dans le techno-solutionnisme sera censé adapter notre environnement à notre mode de vie !? Ce Pacte, s’il est mis en œuvre, ne vous permettra-t-il pas de financer vos JOP 2030 qui ne feront que perpétuer un modèle économique et touristique de moins en moins viable ?
Ce Pacte est très inspiré de votre politique Montagne, auto-proclamée la plus durable d’Europe mais largement épinglée par la Chambre régionale des Comptes avec vos investissements à perte (canons, retenues, immobilier) et la mal-adaptation face aux défis du changement climatique.
Ce Pacte, c’est la dissonance entre vos intentions affichées et la réalité des politiques publiques que vous menez !
Oui, une stratégie européenne intégrée pour la montagne est devenue urgente ! Les politiques publiques en faveur de la montagne doivent être mieux coordonnées, fléchées surtout pour relever le défi majeur de pouvoir continuer à habiter dans des zones de montagnes en 2030, 2050, et au-delà ! C’est une question existentielle !
Cela veut dire garantir un accès aux logements, au foncier, aux services publics de proximité, à des emplois locaux, œuvrer à un meilleur partage de la valeur, adapter nos modes de vies aux impacts du changement climatique en changeant radicalement d’échelle et de méthode !
Pour cela, il est urgent que les politiques publiques, à tous les échelons, aillent en soutien massif des nombreuses initiatives locales innovantes comme Bourg-Saint-Maurice qui porte un projet ambitieux dans le quartier des Alpins par la construction de 350 logements, avec des logements sociaux, pour les seniors et des habitations participatives. Comme Métabief ( dans le Jura) qui accompagne la transformation des emplois dans le cadre du passage de station de ski à station de montagne par l’accompagnement à la formation des équipes pour acquérir de nouvelles compétences, comme Réallon dans les Hautes-Alpes qui en matière de gouvernance a créé une Sté Coop d’intérêt Collectif pour impliquer les acteurs locaux dans le développement et la gestion de la station !
M. le Président, pour être 1er de cordée, il faut être capable de porter une vision qui suscite l’adhésion d’un collectif qui grandit. Votre plaidoyer auprès de l’Union européenne vous donnera peut-être bonne conscience et vous permettra de vous positionner en leader au niveau européen mais il restera vide de sens si vous ne changez pas sur la vision à porter pour l’avenir des territoires de montagne.
Bonjour,
bravo pour votre travail.
Vos messages d’informations sont importants.
Encouragements face à l’adversité.
Amitiés.
Pierre