Intervention de Claudie TERNOY-LEGER sur le contrôle de la chambre régionale des comptes

Basile Mulciba dans son roman “Hors Saison” porte le récit d’un étudiant qui décide de tout plaquer pour travailler comme saisonnier dans une station de ski. Il se retrouve alors confronté au manque de neige.

Extrait : « L’ennui s’accentua, si c’était encore possible. Les journées s’accumulaient, toutes aussi creuses mais le désœuvrement de ceux qui étaient restés était gonflés d’attente et d’une curieuse paralysie. […] On attendait. […]. Les quelques personnes qui demeuraient en station […] n’acceptaient pas de ne plus rien comprendre, de ne plus rien maîtriser.»

Ce récit, traduit bien le déchirement des acteurs de la montagne face à une saison “noire”. Pour éviter que ce désoeuvrement ne se généralise, nous vous le redemandons, réorientez les moyens alloués à la Montagne et au Tourisme vers la transition du modèle économique du ski ! Il en va de la survie de tout l’écosystème du tourisme de montagne. 

Alors, le rapport de la chambre régionale des comptes ne vous fait pas plaisir. Il en remet une couche après celui de la cour des comptes sur l’avenir des stations de montagne face au changement climatique qui fait le constat d’un modèle économique à bout de souffle, maintenu sous perfusion par l’argent public et pour lequel les politiques d’adaptation ne sont pas à la hauteur des enjeux !

Toutes les vérités ne sont pas bonnes à entendre et les constats sont sévères. Alors, vous pouvez ne pas partager les conclusions de ce rapport (sur lesquelles je vais revenir) mais rappelons que la chambre régionale des comptes est une institution indépendante, garante de la régularité des comptes publics. Les fonctionnaires sont des magistrats. Je le rappelle, parce que, quand le conseiller spécial à la Montagne, en commission jeudi dernier, nous afflige de ses critiques sur l’institution en assumant ouvertement de pratiquer l’outrage à magistrat en les qualifiant de  « stagiaires incompétents » parce que le rapport lui paraît trop « tranché, bâclé, catastrophique » ; nous ne pouvons que condamner fermement ces propos démagogiques. Ils entretiennent la perte de confiance des citoyens dans les instances républicaines. Votre responsabilité est grande, c’est celle de votre parole publique, nous vous invitons à plus de dignité !

Que dit ce rapport qui vous déçoit tant ?

Il dit que les financements sur l’adaptation sont majoritairement tournés vers la mal-adaptation, 73% pour l’enneigement artificiel, sans prendre en compte l’évolution de la ressource en eau, sans regarder les capacités des bénéficiaires à exploiter valablement les domaines et à rembourser les emprunts ! 

Le soutien aux petites stations est bien maigre (5% du budget).

Les stations alpines sortent les grandes gagnantes (81% des financements sur la neige artificielle). Vous persistez à arroser là où l’herbe est déjà verte.

Ces stations captent aussi la majorité des financements des aides aux petites stations seulement 20% pour le Massif central !

Au passage, des irrégularités sont soulevées dans l’instruction de certains dossiers : ils ne contiennent pas toutes les pièces du règlement, il y a des largesses comme à Courchevel pour la Coupe du monde de ski alpin dont les plafonds de financements ont été dépassés, Courchevel, station en détresse financière ! 

Vous confondez aussi remontée mécanique et ascenseur valléen pour la liaison Orelle-Val-Thorens ! Il ne s’agit pourtant bel et bien que d’une remontée mécanique supplémentaire. Ce projet censé désengorger la Tarentaise nécessitait 2 équipements non réalisés : un immense parking silo à Orelle et un hôtel refuge au sommet de la Cime Caron, en cas d’intempéries. Les horaires de fonctionnement ne sont même pas adaptés aux transits des touristes !

L’absence de conditionnalités ne résiste pas à votre formule démagogique “Nous faisons confiance aux élus locaux”. Comme le soulève la chambre, cela ne vous dispense pas de prendre en compte le changement climatique pour mesurer les risques des projets. Cette logique de guichet, sans stratégie, empêche l’orientation des politiques publiques en faveur de l’adaptation. Alors la montagne la plus durable ? Vraiment ? 

“Si la cause est bonne, c’est de la persévérance. Si la cause est mauvaise c’est de l’obstination”. Votre obstination à soutenir massivement le business du ski nous mène tout schuss dans le mur du changement climatique ! 

Soyez audacieux ! Certes, le monde est incertain mais les montagnards ont toujours su relever les plus grands défis de leur temps (de la houille blanche à l’or blanc). Si vous ne le faites pas, vous serez responsables de « non-assistance à stations en danger ! » formule de circonstance de notre collègue Pierre Janot.

La prise de conscience qu’il faut changer le modèle est largement partagée par un grand nombre d’acteurs de la montagne. Les défis sont complexes pour construire un nouveau modèle. Avant cela, il va falloir imaginer des possibles collectivement !  Il va bien falloir sortir de luttes stériles, des débats simplistes pour avancer. Pour une vraie adaptation, la Région doit être moteur pour faire émerger l’innovation, la création, l’expérimentation, la prise de risques en accompagnant chaque territoire, dans le développement d’activités qui seront certes moins rémunératrices mais plus diversifiées, protectrices des ressources naturelles. Pour une montagne vivante en 2030 ! 

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